Le 4 janvier dernier sort dans les salles Tirailleurs, produit entre autres par Omar Sy et réalisé par Mathieu Vadepied. Mon attention se porte initialement sur ce film, car d’aussi loin que je me souvienne, je n’avais jamais entendu parler d’un film sur la vie des tirailleurs sénégalais. Concernant les tirailleurs, il est d’emblée important de préciser un point historique : tous les tirailleurs ne venaient pas du Sénégal. Les tirailleurs sont assimilés à ce pays car les premiers tirailleurs enrôlés venaient précisément du Sénégal.
D’un point de vue général, le film est assez beau et les décorations nous font réellement voyager entre la France et le Sénégal.
Un titre trompeur et polysémique
Le titre choisi est intéressant à plusieurs égards. Selon moi, l’emploie du pluriel permet de souligner le fait que l’identité des tirailleurs était multiple. Dans le film, cette diversité de nationalité est illustrée par le fait que plusieurs langues sont parlées par les soldats africains. La scène de l’arrivé de Bakary Diallo (Omar Sy) au front, nous permet de nous rendre compte que Bakary ne sait pas communiquer avec ses compagnons d’infortune car il parle peul (langue d’Afrique de l’Ouest) mais pas les autres.
Ensuite, une fois de plus, ce choix nous renseigne également sur le fait que l’histoire ne va pas se focaliser uniquement sur une seule personne. Tout au long du film, nous suivons l’évolution de Bakary mais également celui de Thierno (Alassane Diong).
Enfin, avec un tel titre, il est normal que le spectateur s’attende à voir un récit sur la vie des tirailleurs. Or, dès les premières minutes du film, le réalisateur nous fait comprendre que le sujet ne sera pas l’histoire de ces Africains enrôlés de force mais, celui d’un père et d’un fils loin de leurs terres. Ainsi, le titre anglais Father and Soldier est plus fidèle au scénario du film.
Est-ce qu’un enfant tue des hommes ?
Durant le film, nous contemplons l’évolution de la relation entre Thierno et Bakary. Au début, l’histoire se base sur le point de vue de Bakary. Néanmoins, plus Thierno s’éloigne de son père, plus l’histoire se focalise sur lui. Cet éloignement atteint son point culminant, lorsque Thierno répond Est-ce qu’un enfant tue des hommes ? à la phrase Tu n’es qu’un enfant de son père. A ce moment précis, l’attention n’est plus portée sur le père. Nos yeux sont rivés sur son fils.
La scène de la tentative d’évasion du camp illustre parfaitement la fin de l’influence de Bakary sur Thierno. En effet, après une brève altercation, Bakary pense avoir convaincu Thierno de le suivre dans son plan. Cependant, ce dernier va très vite déchanter quand il s’apercevra que son fils, profitant de la situation, décide de rester.
Un film presque parfait
L’œuvre coche malheureusement des points négatifs. Certaines scènes peuvent paraître trop longues et sans intérêts pour l’intrigue. Certains personnages manquent de profondeur. C’est particulièrement le cas pour le Lieutenant Chambreau (Jonas Bloquet). Ce perso est très important quant à l’évolution de la psychologie de Thierno. Néanmoins, ses apparitions dans le film sont très peu convaincantes. Pour les spectateurs, il passe pour un personnage secondaire.
Tirailleurs est un bon film racontant la vie d’un père, tirailleur sénégalais, et de son fils durant la guerre. Le réalisateur décide de reléguer la guerre en second plan. Il se concentre sur ceux qui sont entrainés dans ce conflit contre leur volonté. Ainsi, ce film n’est pas un film sur la guerre, ni sur les tirailleurs sénégalais, mais le récit d’une vie.
Fortuné Beya Kabala