Beastars

Beastars est un anime récemment apparu sur notre Netflix national. C’est initialement un manga de romance, adapté en 3D et mettant en scène des animaux anthropomorphisés.

Toute l’intrigue se passe dans l’institut Cherryton, un lycée haut de gamme pour herbivore et carnivore, où les différences entres les deux espèces sont bien marquées. L’histoire s’ouvre sur le meurtre d’un élève herbivore opéré par un carnivore mystérieux. Toute l’école est en deuil mais la suite de l’intrigue ignorera complètement cet évènement. L’histoire qui nous intéresse est celle de Legoshi. Ce jeune loup réservé se rend compte de sa crise de puberté lorsque, poussé par son instinct, il tente de dévorer une de ses camarades de classe en pleine nuit.
Comment résister à cette pulsion meurtrière et surtout, comment faire la différence entre amour et instinct de prédateur ?

A première vue, l’anime avait tout pour me rebuter. D’abord, il est animé en 3D… Or, à part quelques exceptions comme Baki ou Kengan Ashura, donnant du punch aux scènes d’action, l’animation 3D propre aux adaptations de mangas est généralement décevante, voire médiocre. Citons des cas désespérants tels que Knights of Sidonia dans lequel les mouvements des personnages sont robotiques et saccadés. Tout comme Ajin dont l’esthétique de l’œuvre originale est complètement dénaturée. Il y a aussi Kingdom. A l’origine, cet excellent manga traite des guerres chinoises médiévales gigantesques. Sa version à l’écran illustre ses protagonistes les plus sérieux suivant un code couleurs digne des Power Rangers ! Et elle n’anime quasi-pas ses scènes d’action ! Au lieu d’admirer de grandes batailles, on subit des arrêts sur images tremblotant… C’est déplorable !

Revenons à Beastars. Même si on peut toujours déplorer un certain statisme pour certaines scènes, avouons que cette animation ne manque pas de créativité, et surtout, de personnalité. Les quelques scènes d’action sont impactantes, de haute qualité. Le côté animal, un peu plus cartoon/occidental, est bien relevé via des couleurs éclatantes. Il y a quelques phases en 2D de toute beauté, lors de dialogues intérieurs ou de représentations psychiques. Le générique en stop-motion, lui, est surprenant et très différent de ce qu’on a l’habitude de voir.

Quant au thème de l’anthropomorphisme, il est une part centrale du scénario. Il l’enrichit au lieu d’être un simple effet cosmétique. Si le manga apparaît sur les étagères comme par hasard quelques mois après la sortie de Zootopie (le grand film d’animation Pixar affichant lui aussi une société habitée par des animaux anthropomorphes), il représente les relations sociétales différemment. Là où Zootopie révèle un monde d’une grande inventivité, où la civilisation a été totalement adaptée aux animaux qui y vivent (avec d’immenses arbres en villes, des bâtiments de gabarits différents,…), Beastars prend le problème à l’envers. L’animal doit s’adapter à son environnement urbain. Environnement qui est quasi-identique au nôtre. Le conflit discriminatoire entre herbivores et carnivores est un thème central des deux œuvres mais est bien plus sombre dans Beastars. Les carnivores ont une véritable soif de sang refoulée, ce qui amène forcément à de nombreux drames.

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Les forces du scénario restent avant tout un bon rythme et de bons personnages. J’ai personnellement ressenti beaucoup d’affection pour le personnage principal. Pas dans ses clichés de gars “très fort mais qui cache sa force par modestie”, mais dans sa manière de vivre les interactions sociales avec, à la fois beaucoup de recul et énormément de sensibilité.

La saison deux est en route. Je n’ai pas lu le manga mais la fin de la première, telle qu’elle est présentée sur Netflix, semble forcée. On avait toutes les cartes pour obtenir une conclusion à l’histoire. Tout en passant ensuite à une autre, peut-être avec d’autres protagonistes dans ce monde intéressant, rempli de problématiques méritant d’être explorées. Pourtant, on reste sur sa faim. On nous affiche : “la conclusion au prochain épisode”. Et on en reste là. Comme si on se rendait compte qu’on regardait un soap opera depuis le début.

Je suppose que la suite se focalisera moins sur les problèmes de puberté du personnage principal et qu’on s’intéressera enfin au concept de “Beastar”. Le terme, dont on ne fait que quelques allusions, est quand même le nom de la série.

Cette série s’apprécie et augure de très bonnes choses pour le futur de l’animation 3D.
Malheureusement, la sensation d’assister à une version manga et cynique de Zootopia ne nous quitte jamais vraiment…

Spéciale dédicace au générique d’intro décoiffant ! Animé en stop motion, tel un Wallace et Gromit nippon. Sous fond de mi-rap, mi-swing, à l’ambiance entraînante. Complètement en décalage à ce que nous servent d’habitude les studios d’animation japonais. Il raconte même sa propre petite histoire avec twist. Une vraie petite œuvre d’art cachée dans une autre.
On en redemande !

Pierre Reynders

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