On sous-estime parfois l’importance de la première impression. Combien de chansons sont devenues célèbres grâce à leur entrée en matière ? Cette première phrase que tout le monde connaît et reconnaît, imprimée dans les mémoires, et annonçant la chanson mieux encore que l’artiste lui-même.
L’ouverture de cet album donne le ton. « I’m insecure » déclare Tessa Violet, à travers une voix presque enfantine qui semble s’excuser. Dès cette première phrase, l’auditeur sait ce qui va suivre : un voyage dans la tête de l’artiste, dans ses doutes, ses peines, ses émotions les plus personnelles.
L’album suit un ordre précis, presque logique. En commençant par « Crush » directement après le prélude, la chanteuse ouvre le bal sur le sentiment universel qu’est l’amour, ou du moins l’attirance. Si cette première chanson survole des pensées fugaces, mais universelles, Bad Ideas va plus loin, se concentrant sur le ressenti de Tessa Violet. Sur une musique entêtante, elle chante son envie de plonger la tête la première dans ce qu’elle appelle une « mauvaise idée ». C’est le même message qui est véhiculé dans « I Like (the idea of) You », où l’artiste avoue s’enfoncer dans ses fantasmes imaginés, pourtant éloignés de la réalité. Ces trois chansons aux rythmes dansants laissent un léger goût doux-amer, mais donnent malgré tout le sourire. On sourit car on s’assimile aux paroles. On sourit à des souvenirs embrumés. On sourit tout simplement grâce à la voix légère de Tessa Violet et l’instrumental qui nous donne envie de danser et d’oublier.
Cette première partie amoureuse s’achève sur « Games ». La chanteuse s’affranchit d’une relation toxique, abandonne ses fantaisies romantiques. La musique est toujours aussi sautillante, mais la voix de Tessa Violet se fait moins onirique, même si toujours aussi douce.
Dans « Feelin », la chanteuse reprend définitivement possession de son corps. Tous les fantasmes et les rêves s’effacent. Les pensées qu’elle tentait d’étouffer reviennent au galop. Le rythme est plus lent. La déception amoureuse la laisse plus seule, isolant sa voix sur une instrumentation plus épurée. C’est sur cette même veine qu’arrive la chanson « Words Ain’t Enough », cette fois-ci accompagnée à la guitare. Dans ce morceau plutôt court, Tessa Violet chante d’une voix un peu triste, peut-être mélancolique, cet amour déçu.
Toutes ces émotions négatives, amplifiées par la solitude, deviennent alors le sujet du reste de l’opus. Si le rythme et l’instrumental reprennent en énergie, retrouvent leur entrain joyeux et dansant, les paroles traitent encore d’introspection. Dans « Bored », l’artiste dévoile ses sentiments proches de la dépression. Une impression de n’avoir aucun but. Une sensation de vide qui la fait chanter sans sourire : « Is this all there is ? ».
Dans « Wishful Drinking », elle tente de s’échapper de ce trou noir, et s’enfonce dans le tourbillon et le nuage cotonneux de l’alcool. Ils lui offrent l’oubli. Une musique légèrement plus lente, semble rythmer les pas vacillants d’une personne qui donne tout à ce brouillard bienvenu.
Vient ensuite la chanson « Honest », où l’instrumentation redevient minimaliste. La chanteuse s’expose peut-être le plus sans artifice, dans une simplicité qui fait presque mal. Elle avoue tout : ce qu’elle ressent, dont les difficultés qu’elle rencontre. Elle ment, à tous, mais aussi à elle-même. Mais ce n’est pas si grave après tout. C’est naturel. Dans le bridge, souligné au piano, la voix électronique de Tessa Violet déclame cette vérité, sa vérité, en donnant l’impression d’être en dehors d’elle-même, d’un ton monotone, vide.
Cet album doux-amer, dont les paroles transpirent une véracité, rendue plus légère par la musique, se termine sur « Interlude III ». On retrouve alors sa guitare, et sa voix tranquille sans fioriture. Cette alliance donne une impression d’authenticité plus marquée. Comme si elle terminait enfin toute cette course avec une chanson douce, une discussion à cœur ouvert. Et même si elle ne se sent pas bien, même si c’est difficile d’y croire, elle espère des jours meilleurs. Via une douce résignation, Tessa Violet termine son projet avec une simple constatation : « All I know is that I’m lonely ».
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