La poésie est un grain de sable dans l’engrenage. Sacha Piersanti prononce cette idée haut et fort. Il est membre de La Maison Zeugma. L’initiative romaine provoque les rencontres entre poètes et public sans étiquette. La poésie prend énormément de sens une fois interprétée… Sacha Piersanti le fait comprendre en toute simplicité.
Peux-tu décrire la Maison de la Poésie de Rome nommée Zeugma ?
Zeugma est un projet né en 2021. L’idée était de trouver un espace physique où y dédier la poésie, à Rome. Dans cette ville, on retrouvait une Maison de la Littérature, une Maison de l’Architecture mais pas encore de Maison de la Poésie. On souhaitait créer une ambiance où tout un chacun puisse se sentir à la maison. C’est un espace domestique où les personnes se retrouvent et partagent les poésies.
On organise aussi des évènements en invitant des artistes divers et variés. Notre ligne commune est de faire lire la poésie. Nos invités lisent leurs poésies. Leurs écrits ont un style reconnaissable de qualité, indépendant du succès des auteurs ou de leur maison d’édition. Mais leur point commun est de partager de vive voix leurs poésies. Nous ne présentons pas de A à Z un livre. Nous lisons soit des poésies écrites actuellement, soit nous invitons des artistes prêts à rendre hommage aux poésies du passé.
Puis, les spectateurs peuvent échanger avec les artistes, lors de la fin des lectures. On reste ensemble, on boit, on mange, on se confronte de manière informelle.
Vos évènements sont souvent un moment de rencontre entre vieilles et jeunes générations.
Le public de la poésie, hier comme aujourd’hui, est souvent le public qui fait la poésie. Des auteurs viennent écouter des poètes pour ensuite venir faire comme eux, des interprétations sur scène. Un des objectifs de Zeugma est de démonter cette dynamique. Nous avons commencé à inviter des personnes qui se situent loin du monde poétique. Cela a déjà rassemblé des femmes ayant plus de 70 ans aux côtés de jeunes de 18 ans. Inviter des gens du théâtre, des musiciens d’electro, fait qu’un public différent puisse se rapprocher. Parfois, des personnes ne connaissant rien de la poésies se voyaient surprises de voir à quel point la poésie pouvait s’éloigner d’une quelconque valeur scolaire.
Crois-tu que la politique puisse se détacher de la poésie ? Je suis persuadé que tout est politique, de notre conversation au choix de te voir. Par ‘politique’, j’entends ‘donner des messages forts’, ‘se diriger vers un bord politique assumé’.
La politique dans le sens ‘relation’, ‘activité humaine, avant celle citoyenne’… la politique est impossible d’enlever à chaque fait humain, artistique, non ? En particulier dans la poésie. En écrire est un acte énormément subversif. Faire de la poésie signifie exactement ne pas satisfaire l’esprit du temps. L’esprit du temps équivaut à nos envies d’avoir tout et très vite. Par exemple, l’effet des tweets, un fait d’actualité passé de mode après quelques minutes, la limite des images, tout ceci, cette vitesse, cette frénésie du contemporain est l’ennemi des poétesses et poètes.
La poésie signifie discipline, rigueur artisanale, concentration. Imaginer vouloir écrire de la poésie est donc déjà politiquement puissant vis-à-vis de la contemporanéité. Une contemporanéité qui nous souffle : Fais tout, fais tout de suite, travaille, dépense, travaille, dépense. C’est à ce moment qu’il me vient de dire, la poésie est un grain de sable dans l’engrenage. Quelque chose de petit, mais qui, peut-être, fera sauter la machine. L’engrenage tourne encore et encore mais le grain devient son obstacle. La poésie est cela par rapport à la réalité, à comment on conçoit la réalité d’aujourd’hui.
Interview menée par brunoaleas – Photo ©Dino Ignani
Sacha décrit aussi l’utilité de la poésie, une réponse lisible sur Instagram