Ni Chaînes ni Maîtres, croire pour résister

Lors de mon visionnage Ni Chaînes ni Maîtres, une chose me frappe fortement : c’était le fait d’apercevoir l’humain derrière la figure de l’esclave. L’esclavage est une thématique qui retient énormément mon intérêt. Ainsi, j’ai visionné bon nombre de documentaires, films et séries sur la thématique. Cependant, c’est la première fois où il n’est pas seulement question de l’horreur de la captivité et de la volonté de se libérer de cette dernière, mais d’un voyage au cœur des croyances, des espérances, de la vie d’un homme.

Cicéron le contremaître

L’histoire prend place sur l’Isle de la France (actuelle île Maurice), en 1759. On y suit la vie de Massamba (Ibrahima Mbaye Tchie), esclave dans la plantation d’Eugène Larcenet (Benoît Magimel). Il y occupe le poste de contremaître et son travail consiste à veiller au bon travail de ses frères de condition. Massamba est surnommé « Cicéron » par son maître et sert également d’interprète, car il a appris le français. Toutefois, cette situation de privilégié ne correspond pas à la réalité. En effet, il échappe à la récolte de la canne à sucre, sous le soleil brûlant de l’Isle de la France, mais il est complètement ostracisé par les siens, car considéré comme un traître à leurs yeux.

Au fil du film, nous apprenons que Cicéron a abandonné l’homme qu’il était avant la captivité, dans le but d’épargner sa fille. En effet, en échange de son « emploi » de contremaître et d’interprète, sa fille Mati (Anna Thiandoum) échappe aux sévices sexuels auxquels les femmes et filles esclaves sont victimes de façon quotidienne. Massamba rêve de voir Mati affranchie, mais Mati rêve de fuir cette société esclavagiste.

Massamba le marron

Massamba n’est pas né esclave. Il est devenu esclave et a été déporté depuis l’actuel Sénégal. Ainsi, pour protéger sa fille, il a dû oublier sa culture et des croyances pour apprendre la culture de ses tortionnaires. Soudain, la fuite de Mati lui fait reconsidérer le choix d’oublier la personne qu’il était avant la captivité.

Pour redevenir Massamba, Cicéron doit renouer avec sa spiritualité. Massamba était un initié, c’est-à-dire, une personne initiée aux pratiques religieuses, aux croyances de ses ancêtres. Mais il avait rompu le lien avec ses ancêtres donc il doit renouer avec eux. Cette quête débute avec sa fuite de la plantation et son entrée dans le marronnage (terme signifiant la fuite de l’esclave et la résistance pour conserver cette liberté). Il s’échappe initialement pour retrouver Mati, car une chasseuse d’esclave a été lancée à la poursuite de cette dernière.

La spiritualité comme mode de résistance

Ibrahima Mbaye Tchie s’exprime sur la spiritualité de son personnage : Elle affirme qu’on ne doit jamais abandonner ses croyances, qu’il faut préserver une part de spiritualité, quelles que soient les situations auxquelles nous sommes confrontés.

La spiritualité est le fil conducteur du scénario de Ni Chaînes ni Maîtres. On peut le résumer avec le schéma suivant : renoncement – introspection – renouement. À ma connaissance, c’est la première fois que la dimension spirituelle est autant développée dans un film focalisé sur la traite négrière. À mon sens, c’est la raison pour laquelle, la figure de l’esclave retrouve son humanité dans cette œuvre. En effet, le schéma de narration change de focale et place l’Humain-esclave au centre de l’histoire.

En somme, en renouant avec ses ancêtres, Massamba retrouve, non seulement, une liberté au regard de sa condition antérieure d’esclave, mais redevient celui qu’il était avant la captivité.

Fortuné Beya Kabala

Laisser un commentaire