LA RESURRECTION DES EMPAILLES
Avant même de poser leurs animaux empaillés sur scènes, les 3 jeunes hommes d’Hungry Hollows se sont prêtés au jeu de m’accorder une interview. C’est au bord de la Péniche Légia qu’ils nous délivrent leurs pensées rock’n’roll.
On vous a souvent comparé à Queen Of Stone Age et j’aimerai savoir, qu’est-ce que cela vous fait?
Elliot : Oui c’est vrai qu’on nous fait souvent la comparaison, maintenant on essaye de se détacher de tout cela en disant qu’on reste plus « soft » dans certains trucs. En tous cas on essaye pas de copier malgré les ressemblances sonores. Ce n’est pas la seule et unique influence de ce que l’on fait.
Antoine : Je pense que quand t’as un groupe, tu joues toujours de la musique qui ressemble à des groupes que t’aimes bien, c’est logique. On ne va pas aller jusqu’à jouer comme eux évidemment.
Elliot : Involontairement, on sent que c’est un groupe qu’on écoute mais c’est vraiment pas réfléchi.
Antoine : Mais, sinon, cette comparaison nous fait plaisir.
Sébastien : En même temps, étant donné qu’on est trois et qu’eux sont au moins cinq sur scène, c’est pas vraiment comparable. Nous, à trois, on est plus épuré et il faut qu’on arrive à faire quelque chose qui donne. Mais ouais cette comparaison nous fait plaisir.
Antoine va vous quitter pour un petit temps, pouvez-vous me décrire le petit nouveau batteur?
Sébastien : En fait, d’abord, il faut bien expliquer qu’Antoine s’en va en Espagne, le groupe ne se sépare pas. On s’entend toujours bien
(rire)
Antoine : C’est un ami à nous trois qui va le remplacer, il s’appelle Thibaut. Il joue notamment dans Two Kids On Holyday et Leaf House. C’est un super bon pote à nous qui joue vraiment bien.
Elliot : En plus, il connait les morceaux par cœur, du coup c’est plus facile pour la relève. On a déjà répété une ou deux fois avec lui et ça roule déjà bien, on ne doit pas le former à ce qu’il doit faire.
Sébastien : On a eu de la chance à ce niveau là.
Antoine : Ouais puis le fait que ce soit un pote ne me dérange pas du tout. Par contre s’ils avaient pris un blaireau ça m’aurait pas fait plaisir.
Est-ce que vous pensez que Liège donne beaucoup d’importance aux artistes?
Elliot : Non.
(rire)
Elliot : En Belgique et surtout en Wallonie, je pense que les artistes se retrouvent toujours dans un milieu très fermé où ce sont les mêmes gens qui dirigent les mêmes choses et du coup, c’est tout le temps le même style qui va fonctionner parce que c’est ça que les gens sont habitués à entendre. Donc on va faire en sorte que ce soit un tel type de musique qui fonctionne parce qu’on est certain que ça va se vendre et la scène sera peut-être plus concentrée là-dessus. Néanmoins, il y a moyen de trouver beaucoup de lieux à Liège qui permettent de jouer, si on s’organise bien.
Antoine : Je dirai la même chose en rajoutant le fait qu’il y a des musiciens très motivés qui jouent un peu partout, dont des scènes pourries mais que les gens qui dirigent un peu le bazar sont tous un peu des gens qui s’enculent. C’est à dire toujours les mêmes dans les mêmes projets.
Des « fils de… »
Antoine : Oui des « fils de… »…
Elliot : Comme une communauté consanguine de la musique qui fonctionne.
Antoine : A fond, c’est vraiment ça!
Elliot : Du coup t’as toujours les mêmes membres dans des groupes différents.
Antoine : Puis, si tu fais un peu attention, il y a toujours les mêmes groupes qui jouent au Reflektor, puis bam: aux Ardentes. A partir du moment où tu fais une musique qui plait, si tu joues sur Pure.fm, tu joueras aux Ardentes. Enfin c’est comme une espèce de circuit fermé pour certains types de musique.
Sébastien : Les Allemands, eux, sont ouverts plus à de la musique alternative ou au metal, avec une scène importante, alors qu’ici, il y a maximum le Smile pour voir des concerts.
Antoine : Quand on a joué en partie germanophone de la Belgique, la salle était pleine alors que personne ne nous connaissait. Là-bas, t’es reçu super bien, t’es payé et bien accueilli parce que ce sont des gens qui sont peut-être plus ouverts.
Sébastien : Il y a pire que les programmateurs, il y a le public aussi. C’est-à-dire que les gens ne se déplaceront jamais pour aller voir des groupes qu’ils n’ont jamais vu.
Elliot : Les gens à Liège et en Wallonie de nouveau, ne sont pas curieux. Ils vont voir s’ils connaissent.
Faut bouger quoi.
Antoine : Il faut essayer de bouger.
Elliot : C’est pas qu’on veut pas, on aimerait beaucoup.
Sébastien : Faut trouver un type qui te produit, un label et tout ça.
Elliot : On va avoir un bon créneau, un coup de chance, une bonne rencontre…
Bon ben voilà pour le coup de gueule…
(rire)
Elliot : C’est pas un coup de gueule, c’est un constat.
Voici arrivée la petite minute solennelle. Qui vous a inspiré le plus, David Bowie ou Lemmy?
Sébastien : Lemmy n’est pas mort, il est là.
Elliot : « The ace of spades! » (oui, parce qu’il faut savoir qu’Elliot imite très bien la voix de Lemmy)
(rire)
Elliot : Lemmy pour le coté souillon et rock’n’roll car on a pas meilleure image. Musicalement, j’accroche plus avec David Bowie pour ce qui est des constructions et son aspect très ouvert à la musique. Il a fait plein de choses différentes et créé un univers que les gens ont su suivre. C’est pour cela que j’admire plus David Bowie, plus professionnel, mais Lemmy et son coté rock’n’roll me plaisent. Au final, je suis un peu partagé.
Antoine : Les deux étaient des grands Messieurs.
Sébastien : Moi, personnellement, je n’ai jamais vraiment beaucoup écouté ni Motorhead ni David Bowie mais je connais les grands classiques. Je ne me suis jamais vraiment interessé à leurs discographie donc je vais pas faire semblant de pleurer pour leur mort. Il n’empêche que ça reste des gens brillants musicalement et qui ont fait de grandes choses. Je ne connais pas assez pour juger mais on peut se demander évidemment qui va les remplacer maintenant.
Antoine : Moi aussi, je ne suis pas spécialement un très grand connaisseur de David Bowie, encore moins de Motorhead mais depuis qu’il est mort, je me suis vraiment intéressé à David Bowie et à sa discographie, comme je me suis aussi intéressé à Michael Jackson après sa mort.
Moi aussi.
Antoine : Là, je me dis: “ Putain j’aurai pu faire ça avant”.
Il n’est jamais trop tard.
Antoine : Ouais il n’est jamais trop tard mais c’est con d’attendre qu’il soient morts pour s’y intéresser quoi.
Qu’est-ce qu’être « rock », de nos jours?
Elliot : Boire plein d’alcool, prendre de la coke et niquer des putes! Ou casser des instruments sur scènes, quand on a les moyens d’en racheter après.
(rire)
Elliot : Non mais je ne sais pas exactement.
Antoine : Moi j’ai l’impression que ça n’existe plus trop d’être « rock ».
Elliot : Pour citer un magazine que j’ai lu, le plus grand « rockeur » actuel c’est Kanye West parce qu’il est totalement en dehors du système pour le moment et qu’il a un esprit rock’n’roll dans le sens où il n’en a rien à foutre de ce qu’on va penser.
Sébastien : Oui, il y a des gens qui font pas de « rock » mais qui le sont mentalement.
Elliot : Ainsi, on peut penser à plein de rappeurs. Par exemple Kanye West, pour présenter son nouvel album, il a branché son Ipod qu’il a laissé tourner, au Madison Square Garden.
(rire)
Elliot : Il est grossier. Être grossier c’est un peu être rock’n’roll.
Antoine : Moi je pense à Ty Segall qui s’en fout de son image et qui y va à fond.
Sébastien : Il y en a souvent plein qui sont pas connus…
(et c’est à ce moment que toutes les fan girls arrivèrent)
Elliot : Être blanc dans un quartier de noirs. Eminem, ça c’est un vrai rockeur! Rap God!
Phillipe Manœuvre disait que la musique rock, c’était le mariage entre une voix et une guitare, êtes-vous d’accord?
Elliot : En tout cas, ce qui n’est pas du tout rock c’est le mariage entre un homme et des lunettes de soleil.
(rire)
Sébastien : Je pense qu’il a plutôt raison.
Elliot : Pas forcément. Ca peut-être une entité.
Sébastien : En ce qui nous concerne, la « voix » n’est pas forcément un élément principal. Il y a des artistes avec des lignes de voix terriblement mélodiques avec des paroles terriblement recherchées ou alors une « voix » vraiment mise en avant. Nous, on part plus d’un principe musical. D’ailleurs, quand on compose, on fait d’abord la musique et après le chant rajoute une mélodie qui n’est pas vraiment mise en avant, au départ. Ca se ressent d’ailleurs dans le mixage des morceaux.
(la deuxième rafale de fans arrive)
Sébastien : Mais évidement et globalement, il faut que le chant soit quand même présent et important. En gros, on fait souvent l’instrumentation, puis s’ajoute le chant.
Elliot : Enculé de Manœuvre, on l’encule.
(rire)
Antoine : Je suis d’accord avec toi et je pense que les gens qui donnent des définitions globales de ce qu’est le rock, sont des branleurs. Tu peux pas définir ça.
Elliot : Et j’ai jamais entendu un cd de Phillipe Manœuvre.
Vous l’aimez pas, c’est ça? (rire)
Antoine : Ben moi je l’aime bien dans « Rock’n’ Folk ».
Elliot : Utilisons le mot « has been » pour le décrire.
Est-ce qu’on doit s’attendre à quelque chose de nouveau niveau son pour le nouvel album?
Sébastien : Par rapport à ce qu’on a fait avant?
Oui.
Antoine : Non.
Sébastien : En fait on a enregistré ça, sur plus d’un an parce que ça s’est fait en plusieurs phases. On va un peu ailleurs. Il y a une espèce de ballade un peu plus « soft » que ce qu’on faisait avant sauf pour sa fin et une chanson plus dansante ,presque disco, vers sa fin. Je pense que c’est plus aboutit musicalement qu’avant. On touche un peu à autre chose tout en restant dans le même créneau.
En featuring Lemmy aussi.
Elliot : « The ace of spades! » Je pourrais le tisser.
Je me suis toujours demandé ce que signifient les animaux empaillés que vous emportez toujours avec vous sur scène?
Elliot : A la base, nous étions chez Antoine, quand il habitait à Tilff, un 15 août. On avait bu un verre et on avait vu ce magnifique renard qui a couté la modique somme de 5 euros, accompagné d’une piscine gonflable qu’on a acheté en même temps et de mon sac « Chupa Chups » que j’utilise pour mettre mes pédales. Tout vient du même moment. Quand on avait un verre dans le nez, on s’est dit que c’était quand même marrant d’acheter ça. Puis certaines personnes ont vu cet animal et nous en ont proposé plus. On a accepté et maintenant, on nous les offre parfois, du coup on en 4.
Antoine : Ca n’a pas de signification.
Elliot : Il n’y a vraiment aucun sens à cela. Ca nous faisait marrer sans même y penser et on s’est dit qu’on taperait bien le renard sur scène vu qu’il était en premier lieu dans le local où l’on répétait.
Antoine : On est pas des taxidermistes ou des fétichistes des animaux morts. Ce qui est bien c’est qu’à chaque fois que quelqu’un nous voit en concert avec ces animaux, il s’en rappelle. Il va se dire : « Ah Hungry Hollows, les mecs avec les animaux sur la scène. ».
Sébastien : C’est vrai qu’on nous en parle souvent. On a réussi en fait. C’est du “music marketing »
Elliot : On a déjà eu des plaintes sur Facebook comme quoi c’était honteux de présenter ces animaux empaillés comme ça. Ce à quoi on a répondu : « Ca leur permet d’avoir une seconde vie. Une vie rock’n’roll.”
On peut en offrir à Kanye West donc!
DRAMA
Photos ©Alexis Docquier – Péniche Légia, le 07/04/16)
Interview faite le 07/04/16