Nous sommes les seules créatures sur Terre à raconter des histoires. Aucune autre créature ne raconte des histoires, même si certaines sont très futées, comme les baleines. Nous sommes les animaux conteurs. Nous nous racontons des histoires pour comprendre qui l’on est.
Salman Rushdie prononce ces paroles récemment. Il pointe la force des humains. A savoir, transmettre des mythes et légendes de générations en générations, depuis les temps anciens. L’écrivain se serait bien entendu avec Kentaro Miura. Malheureusement, une rencontre entre les 2 artistes est irréalisable. Le dessinateur japonais décède en 2021. Il laisse derrière lui une œuvre magistrale.
Berserk suit l’épopée martiale de Guts. Ame guerrière. Homme d’action. Etre déraciné. Guts est un protagoniste fascinant. En anglais, guts signifie tripes, entrailles. Le ton est donné. Le personnage principal défie viscéralement les démons.
Comment le prouver ? Primo, suite à une catastrophe maléfique, il voit sa vie basculer de la lumière à l’ombre et porte une marque maudite attirant les menaces surnaturelles. Secundo, le chevalier noir défonce des apôtres à l’aide d’une armure absorbant son énergie vitale. Doit-on retenir la sombreur du manga comme élément pertinent ? Probablement. Pour l’instant, n’analysons pas les mésaventures sanguinaires.
Kentaro Miura exploite énormément de thèmes bouleversants. Mysticisme assumé. Courage sans borne. Amour impossible. Une thématique précise m’inspire à écrire. La place de la famille. Dès les premiers tomes de Berserk, Guts suit la Troupe du Faucon. Menée par Griffith, cette bande d’amis constitue un premier socle important pour Guts. Il s’identifie et s’affirme aux côtés de ce groupe… quand soudain, Griffith enclenche un énorme sacrifice pour le bien de son idéal.
Guts est désormais isolé, face à plusieurs diableries. Comment s’en sortir ? Kentaro Miura développe alors son talent. Il amène son personnage vers une reconstruction. Reconstruire ses valeurs et choix. Après avoir subi une tragédie, notre héros rencontre de nouvelles personnalités diverses et variées. Schierke, jeune sorcière, prudente et valeureuse. Un esprit habile et calme nommé Serpico. Farnèse, prête à survivre quoi qu’il en coûte. L’enfant impertinent qu’est Isidro. L’auteur questionne donc notre rapport aux autres. Qu’attendre de notre famille ? Quel est le meilleur enseignement qu’on accepte de recevoir ?
A une époque où médias et politiciens divisent les populations, les planches du mangaka rappellent la force du collectif. Un proverbe africain résume ma pensée : Seul, on va plus vite. Ensemble, on va plus loin.
brunoaleas – Illustrations ©Kentaro Miura