Eveil

Acteur du manga contemporain, Taiyô Matsumoto délivre un one shot partageant moult émotions au lecteur. Eveil (2002) amène à diverses réflexions, tout en contemplant des pages dignes de tableaux artistiques.

Au cœur des montagnes, une civilisation exécute des traditions chamaniques. Parmi ce peuple, deux familles se distinguent et collaborent : les « danseurs » et les « sculpteurs ». Les seconds ont besoin d’un nouveau doyen. On compte deux prétendants. D’un côté, Yuri, l’aîné, possède un don exceptionnel pour la sculpture et ne sort jamais de chez lui. De l’autre, Tsubaki, le cadet, ne perçoit pas les esprits.

Si le scénario sert les dessins, le premier ne vaut rien si les seconds n’arrivent pas à séduire. Les traits du mangaka sont si fascinants, qu’il se ressent toujours une envie de découvrir sa façon d’illustre la vie des protagonistes. Son art détient une incroyable force immersive. Via le procédé du regard à la première personne, le lecteur erre dans les bois tel un esprit ou sort d’une grotte en étant dans la peau de Yuri. Grâce à cette astuce similaire à la caméra subjective, Matsumoto propose un pur voyage visuel. Le lecteur se sent deux fois plus impliqué dans son univers. De pareilles expériences deviennent rares.

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Mais la puissance formelle de Eveil ne s’arrête pas là ! A l’instar de Princesse Mononoké (Hayao Miyazaki, 1997) ou de Vagabond (Takehiko Inoue, 1999-en cours), la Nature est mise à l’honneur. Qu’elle soit humaine, végétale ou spirituelle, elle transpire de chaque page. Merveilles pour les yeux, les caractéristiques de cette même Nature sont d’autant plus intrigantes. Dès lors, le lecteur entre en communion avec elle.

Quant à la scène finale, inutile d’y trouver une et une seule explication. Afin d’interpréter cette fin et la symbolique de l’œuvre, le titre original (Hana, signifiant « fleur » en japonais) n’est pas à négliger. Ce dernier et celui en français (Eveil) collent au contenu du manga. Les deux ont un point en commun : la transformation. Au moment où une fleur éclot, elle se transforme en sa version définitive. Dès qu’un être vivant se réveille, il change d’état. Ces deux titres synthétisent le parcours de Yuri. Il se libère de ses chaînes pour vivre ses volontés. L’aîné de la famille reste fidèle à ses choix du début à la fin. Il préfère suivre sa voie plutôt que celle imposée par les siens. Yuri s’envole vers d’autres horizons en ayant écrit son destin. D’ailleurs, si l’on devait analyser le rôle des esprits l’entourant, je l’assimilerais à sa flamme intérieure qui lui souffle : « Pars. C’est plus fort que toi. ». Ces spectres apparaissent tels des protecteurs défendant les décisions de Yuri.

Matsumoto dépeint brillamment un monde rural baigné dans le surnaturel. A quoi s’ajoute un style graphique assez atypique. Ce manga peut (et doit) se retrouver entre toutes les mains ! Petits et grands imagineront leurs conclusions… Ou leurs compréhensions d’une œuvre intemporelle.

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