La Base

Damso 2.0

Damso n’est pas un rappeur comme les autres. Confiant avec son public. Prêt à communiquer sa passion. Très fort pour les surprises (pensez à l’album sorti récemment, regroupant ses vieux morceaux). Fortement inspiré par les instrus lourdes et mémorables.

Mais une caractéristique le porte au-dessus de la mêlée. L’artiste ne compte pas mettre de côté ses concepts. Jadis, les groupes sortaient des albums-concept.
Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band (1967), affichant les Beatles comme des musiciens d’une fanfare, leurs alter egos. Drones (2015), un opus signé Muse, abordant la terreur des machines volantes. Ou encore, Histoire de Melody Nelson (1971), dialogue explicite entre Serge Gainsbourg et une femme imaginaire.

Bref, Damso pourrait bien nous surprendre. Le clip de « Chrome » suffit à mettre l’eau à la bouche. Même s’il est débile de montrer comment concevoir une arme – certains jeunes risquent de fantasmer cette scène –, le clip est plutôt aguicheur. Dems flingue plusieurs personnes et une dame danse ses plus beaux pas. La scène finale est la plus intéressante. Le Belge se réveille après avoir vécu une expérience virtuelle, attaché à une machine futuriste. Comment ne pas penser à Matrix ? Il teste un nouveau terrain. Puis, le type semble avoir vécu une séquence foireuse. Ce constat amène à une autre idée.
Son nouvel album, J’ai menti, illustrera l’artiste probablement comme on ne l’a jamais entendu. En tout cas, « Chrome » délivrait des images flashantes. Comme si Damso rappait telle une autre version de lui-même… si l’hypothèse est bonne, alors, le jeu en vaut la chandelle.

brunoaleas – Photo bannière ©Christophe Deroo

Travis Scott – Days Before Rodeo

Récemment, Travis Scott a retourné Internet avec un seul tweet : DAYS BEFORE RODEO, RE-RELEASING EVERYWHERE AUGUST 23. Et, le tweet était accompagné d’une vidéo, des images de la confection du projet. On y voit notamment Metro Boomin en studio avec Travis.

Voir ces images et réécouter la mixtape m’a rendu nostalgique d’une époque pas si lointaine des mixtapes. En effet, avant Spotify, Deezer et Apple Music, les artistes hip-hop sortaient des mixtapes pour faire patienter le public.

C’est quoi une mixtape ?

Il n’y a pas de réelle définition de ce qu’est une mixtape dans le hip-hop. Donc, je vais simplement résumer les différentes raisons d’être d’une tape.

Dans un premier temps, les artistes sortent des mixtapes pour faire attendre leurs publics dans la période avant la sortie d’un album. Ensuite, une mixtape peut également servir comme moyen de se faire connaître, car elle est gratuite. Elle peut également être une compilation des morceaux qui n’ont pas été retenus pour figurer dans l’album final. Enfin, du fait de sa gratuité, ce format permet aux artistes de sortir des morceaux contenant des samples non autorisés.

Days Before Rodeo

Nous sommes en 2014. A cette époque, Travis n’est pas du tout la star mondiale que le grand public connaît actuellement. Il ne compte qu’une mixtape, Owl Pharaoh (2013). Et, il vient seulement d’annoncer la sortie de son premier album nommé Rodeo. Dans ce contexte, celui qui se surnomme La Flame sort Days Before Rodeo.

C’est à ce moment-là que je découvre le rappeur natif de Houston (Sud des États-Unis). Je reçois une véritable gifle lors de ma première écoute. En effet, avec ce projet, l’Américain veut montrer de quoi il est capable. Pour ce faire, il fait appel à un producteur, une légende vivante, Mike Dean, et à un certain Metro Boomin. Avec ces deux producteurs à la manette, le projet s’inscrit assurément dans la lignée de ce qui se fait de meilleur à Atlanta, à cet instant précis de l’Histoire. En effet, dans le monde hip-hop, deux villes se sont toujours battues pour l’hégémonie sur le rap : New-York (côte Est) et Los Angeles (côte West). Mais, au début des années 2010, une nouvelle ville vient se mêler à la bataille : Atlanta.

Le meilleur projet de Travis Scott ?

Comme expliqué précédemment, une mixtape peut servir à présenter son univers musical. Et, Days Before Rodeo est assurément le projet où Travis veut montrer sa patte artistique. Il ne fait pas seulement que s’entourer de très bons producteurs. Il fait également appel aux meilleurs artistes de ce moment-là. Par exemple, dans le deuxième titre du projet, ‘Mamacita’, il invite Young Thug et Rich Homie Quan. Il fait également appel à Big Sean dans le single ‘Don’t Play’. Sans oublier, le groupe Migos, l’accompagnant dans le légendaire ‘Sloppy Toppy’.

Cette mixtape n’est pas seulement un rassemblement des Avengers d’Atlanta mais une démonstration de la maîtrise de son art par La Flame. Et, je vous conseille d’écouter ‘Basement Freestyle’ pour le comprendre.

Days Before Rodeo marque énormément d’auditeurs de rap US lors de sa sortie. Il symbolise une époque où le rap n’était pas encore si populaire, une époque où la créativité des artistes n’était pas bridée par l’envie de vouloir faire de la musique qui plaît au plus grand nombre.

Fortuné Beya Kabala

Opponents : une bataille intérieure pour vaincre l’ennemi extérieur

Premier projet du groupe Mina Raayeb, Opponents est un EP de 6 titres qui sert de carte de visite pour découvrir l’univers du trio originaire de France. Avant d’évoquer les thématiques abordées dans ce projet, il est nécessaire de s’arrêter sur la qualité de la production. En effet, le groupe est composé de 2 musiciens et ça peut sembler normal pour les autres genres musicaux. Pour ce qui est du rap, c’est une chose assez rare et ça se ressent, ça s’écoute, plus précisément.

Le style musical de Mina Raayeb est un mélange de musique électronique et rap. Ce mélange s’articule de la manière suivante : le rap pour les paroles et la musique électronique pour les compositions. C’est un mélange de genre qui donne un style très percutant et énergique.

Opponents n’est pas seulement un projet avec des prods percutantes. Non, il y a également des paroles percutantes comme l’on aime bien entendre dans le hip-hop. Je ne sais si l’emploi de l’anglais y est pour quelque chose, mais l’EP transpire l’énergie, la puissance, le combat.

Le choix des thématiques permet également d’apporter cette énergie. Le choix du titre de l’EP ne déroge pas à cette direction artistique. En effet, opponents se traduit par adversaires. Dans ce projet, les adversaires ne sont pas seulement les autres mais également soi-même.

Le projet débute avec le morceau ‘Reset’. Il y est question de se préparer mentalement à vaincre notre ennemi. Il est question de cesser de douter de soi-même et de faire un reset mental pour la bataille finale.

Ensuite, dans le morceau éponyme de l’EP, ‘Opponents’, arrive le moment de s’équiper pour aller livrer bataille. Mais à cet instant, on ne connaît pas encore qui est notre adversaire. Dans les morceaux qui suivent, on ressent l’hésitation, la faiblesse avant la bataille. Avec le 4e titre, ‘Jack’, on atteint le point culminant de l’hésitation chez notre guerrier.

Plus nous avançons dans le projet, plus le visage de notre ennemi commence à apparaître. Il faut attendre le dernier track, ‘Growing up’, pour comprendre que notre héros combat un ennemi redoutable, à savoir, le système capitaliste. Un système qui se construit par l’exploitation de l’autre. Et, pour arriver à bout de cet adversaire, il va non seulement falloir que nous nous rassemblions, mais également que nous changions notre façon de fonctionner.
En somme, Opponents est un projet qui nous invite à faire notre propre introspection, à nous révolter et à nous rassembler pour changer les choses.

Fortuné Beya Kabala

Nouvelle écriture pour Roméo Elvis 

Roméo Elvis sait enfin écrire ? Il y a deux ans, j’incendie le Bruxellois. Pourquoi ? Citer des marques, faire l’apologie du cannabis et se branler sur sa ville natale… le ton fut fort ennuyeux. Heureusement, je reste curieux. Je ne me définis pas fermé d’esprit. Dès lors, à l’écoute du titre ‘Orangé (Nelly)’, je dandine de la tête. Car l’artiste délivre encore des prods fraiches et dansantes. Mais là, l’hommage à sa grand-mère est assez poétique et illustre une dimension décomplexée. Puis, une impression règne en maître. L’enfant en Roméo s’exprime sans coup de bide. On assiste à une nouvelle écriture de sa part.

Décalage horaireLe ciel change de couleur. Au-dessus des nuages. Dans ma tête, les troubles. Tu passes dans mes pensées. Les souvenirs me trouent l’cœur.

Ecoutons son nouveau mini-album, Echo, plus en profondeur. ‘Mercure et Jupiter’ dépeint une planète de plus en plus chaotique. ‘Smooth 3.0’ file la pêche, tant le duo formé avec Peet est une bonne poilade. Mais le morceau le plus réussi est sûrement ‘Nightshot’. Lorsque les rappeurs décrivent leur quotidien aussi bien que leurs réflexions, mon attention s’active instantanément ! Le morceau me rappelle ‘Premier pas’ de Nekfeu. A savoir, une fresque de nos vies souvent remplies de doutes. Il aura fallu attendre plusieurs albums avant d’écouter une plume assez mature, franchement philosophique.

Tu penses qu’on est sur Terre pour une bonne raison ? Bah ouais. J’attends encore la date de floraison. Comment ça ? J’sais pas, j’suis comme c’placard dans cette grosse maison, j’sais pas à quoi j’sers. Mais frérot on sert à rien. Enlève-toi ça de la tête. Nan parce que franchement. Elle va tourner sans nous la Terre.

brunoaleas

Jeune rap belge Part 2

Etats-Unis. France. Deux pays où règnent rap et hip-hop. Que se passe-t-il en Belgique ? Qui sait jongler avec les mots ? Qui sait nous faire danser ? Réponse en deux parties.

Blu Samu

Blu Samu dégage une énergie plutôt fédératrice. Ses mots percutent les oreilles pour ensuite s’enflammer sur la piste de danse, telle la personne du clip ‘Turquoise’. Il nous reste plus qu’à écouter sa voix suave.

LaClique

LaClique est une bande composée de trois rappeur + un beatmeaker. Lorsqu’on écoute leurs sons, on ressent le plaisir du passe-passe. Comme un S-Crew partageant la même passion. ‘Dans le noir’ symbolise cet amour pour le rap.

Glauque

Sache que j’exagère la taille des détails. Que mes relations servent à écrire. -Glauque

brunoaleas

Jeune rap belge Part 1

Etats-Unis. France. Deux pays où règnent rap et hip-hop. Que se passe-t-il en Belgique ? Qui jongle avec les mots ? Qui nous fait danser ? Réponse en deux parties.

Onha

Qui se souvient des années 2000 ? Cette période dorée pour les artistes. Là où ils testaient n’importe quelle sonorité. Onha rappelle ce moment plutôt émouvant. Je joue la carte nostalgique… j’assume ! Je ne sors pas les mouchoirs. Depuis ces dernières années, le Liégeois ne pond jamais des titres homogènes. Malgré ‘l’ambiance année 2000’ propre à ‘Sentiment de Vie’, il prouve qu’on peut difficilement l’enfermer dans une case.

Isha

Bruxelles demeure une réelle source inspirante pour les rappeurs. Isha fait partie de cette jeune génération aux productions prolifiques, une génération souvent prometteuse.
Puis, qui aurait pu croire que s’allier à Limsa produirait des étincelles ?! En première partie de Lomepal, au Palais 12, le Français ne m’avait pas du tout époustouflé… en duo, la sauce prend et devient savoureuse !

Swing

La mafia serait moins dangereuse que la police… vraiment ?! Il faut l’entendre pour le croire ! Cette folie fut prononcée par Swing sur ‘Mafia’, un titre de son premier album. A-t-il déjà payé une taxe au prix de sa vie ? A-t-il déjà dû mentir pour ne pas mourir ? Tant de questions qui méritent quelques réponses. Heureusement, son opus, Au Revoir, Simeon, est foutrement dingue. Productions fraiche et fascinantes. Paroles d’une profonde introspection. Et chant accrocheur, tant l’auteur teste sa voix en long et en large, surtout au niveau des notes aiguës.
Relevons un point fort pour conclure via un message positif. Le mot
cœur est cité de nombreuses fois, lorsqu’on écoute le jeune Bruxellois. Comme si l’artiste avait mis toute son âme dans son œuvre. Tu rappes pas avec le cœur ? T’as rien à faire au stud’.

brunoaleas

Roméo Elvis ne sait pas écrire

Pourquoi Roméo Elvis ne sait pas écrire ? Depuis ses débuts, le jeune rappeur surfe sur des instrus de qualité… sauf que ce facteur ne suffit pas à valoriser ses textes ! Comprenons son point faible.

Sur le pont de ‘Dessert’, il cite une marque de chaussure, affiche sa philosophie propre à son dress code (wow), ennuie et fait de la peine : Chaussures Puma sur les pieds. J’suis dans les nuages, dur de perdre. J’fais des murs de texte, et des purs de verte. Le Motel sauve les pots cassés en tant que producteur. Désormais, le binôme ne joue plus entièrement sur les projets de Roméo. Ce dernier doit redoubler d’effort.

L’échec littéraire le plus récent se nomme ‘L’adresse’. Le morceau n’apporte rien, si ce n’est l’avis du Belge au sujet des haineux. Roméo vit sa meilleure Vie, lorsqu’il se balade avec sa beuh dans le froc. Roméo se rend compte que la Vie est parsemée d’aléas. Roméo découvre qu’il est impossible de voir la Vie en rose… le troisième single de TPA brasse du vide. A la fin de son écoute, l’auditeur est en droit de crier : Et ???!!!
Le seul point positif à retenir : les clins d’œil du pseudo-rappeur posés sur d’autres artistes (Nos, Ademo, Lorenzo). Au bout du compte, ‘L’adresse’ démontre les faiblesses d’une plume incapable de se renouveler, même au troisième album !

Trois putains d’opus et toujours deux thèmes récurrents. Bruxelles. Marijuana. Ces deux mots complètent la carte d’identité de Roméo Van Laeken. Pareil pour la petite sœur qui troque la drogue douce au féminisme (une cause comme une autre, je préfère la fumette). Parenthèse fermée. Le grand frère ne cesse de sacraliser la plante verte. Quand on a une telle communauté composée de jeunots, est-ce vraiment la meilleure pratique au monde ? Loin de moi l’idée de prier pour que les rappeurs deviennent des anges. Néanmoins, je préfère un Nekfeu prêt à analyser les relations humaines, à creuser des sujets de société !

‘Nappeux’ demeurera mon titre préféré. En 2017, Elvisito débarque avec des paroles en béton, au chant fédérateur. Citer la capitale n’est plus synonyme d’épilepsie buccale. On plane avec l’instru de façon légale. Quittons-nous sur ces rares notes portant à un début de réflexion : voit-on nos sociétés selon notre prisme ou d’après celui des autres ? La biz de Liège, 100% bio.

brunoaleas Photo ©Séverine Courbe

L’oxymore en rap

Disiz décortique le sentiment amoureux tout au long de son nouveau projet. L’Amour est son treizième album. Quelle raison le pousse à se dédier à un tel thème vu et revu ?

Je pense que c’est l’énergie du désespoir. Dans ma vie personnelle, j’avais accumulé pas mal de problématiques à régler. Il fallait que je change quelque chose. Ma séparation et mes autres changements m’ont permis d’aller au bout de moi-même. Disiz

Le rapport à l’autre, le rapport à soi, sont ses sujets principaux. L’artiste expose également ses folies nocturnes, sans jamais sombrer dans la vulgarité. Dès lors, que vient foutre Damso sur l’album ?

Yseult correspond bien plus au cadre proposé par le rappeur d’Amiens. Dems, lui, est à mille lieues de conquérir le public féminin dans son entièreté. Cette audience est parfois trop choquée par son style cru et rustre.
Sauf que via « RENCONTRE », le Belge délivre une performance digne d’intérêt. Même s’il saoule à cause de ses formulations inutilement puantes (on se fout de la manière dont tu doigtes ta meuf), ses paroles servent de tremplin à Disiz. Sa plume marque une forte nuance face à l’écriture de son aîné. Le son passe de l’ombre à lumière, d’une froideur bruxelloise à une chaleur caribéenne.

Disiz Le Remède partage sa joie. Les mélomanes imaginent souvent le même constat artistique : le malheur inspire bien plus que le bonheur… écouter « RENCONTRE » symbolise une belle exception.

DRAMA – Photo ©Yagooz

Impossible d’arrêter Nekfeu

Après un film exutoire, Ken Samaras capte l’attention l’année dernière. Mettons de côté les rumeurs qui annoncent l’abandon de sa carrière. L’artiste doit sûrement gratter jour et nuit. Certes, Les Etoiles Vagabondes (Syrine Boulanouar, 2019) illustre un rappeur qui galère à trouver son inspiration. Désormais, il semble impossible de l’arrêter.
Certaines de ses récentes collaborations marquent l’esprit. Des exercices où il continue d’afficher des vérités sur le papier. (à des années lumières de ce branleur de Roméo Elvis)

Nekfeu apparaît en forme sur la don dada mixtape. L’ambiance est mélancolique sur « malevil ». Sa voix rauque fait peser la sombreur du projet d’Alpha Wann. Puis, son flow blasé fait un bien fou ! Il dégage de la sagesse. On a beau être généreux, l’égoïsme est le propre de l’Homme.

On traite les autres d’égoïstes parce qu’on l’est tous.

Avec plus de 8 millions d’écoutes sur Spotify, « Moins un » connaît un sacré succès. Nekfeu s’allie à un ancien du rap, Dinos. La fusion fonctionne à merveille. A croire qu’une bienveillance berce leurs paroles. L’invité de Stamina, transpire une putain d’attitude ! Grosso modo, il avoue une certitude sur les passionnés de rap authentique. Ils vivent les vraies expériences en ce bas monde… fort.

Si t’écoute du bon rap, t’as perdu trop d’gens.

Comment ne pas citer Népal ? Lui et son ami offrent une dernière perle sur Adios Bahamas. Nekfeu admet que la route est longue avant d’atteindre les cimes. Il l’exprime en jouant avec les mots et en faisant de l’argot sa poésie. Les groupes ont tendance à voir une sûreté économique en se joignant à des labels. Lui, préfère serrer la ceinture et tracer sa voie. Dans ce merdier, la vérité est troublante. Ca ne l’empêche pas d’oublier d’où il vient. Le message alimente la philosophie d’un Népal qui ne cesse de manquer à la scène française.

Maintenant le squa est dans les kiosques, qui est-ce qui ose quoi ?

brunoaleas Photo ©Julien Lienard

La curiosité d’Onha

Onha semble être extrêmement curieux. Cet artiste de la Cité Ardente ne fait pas dans la demi-mesure. On sent qu’il souhaite jouer sur plusieurs terrains musicaux. Espérons d’ailleurs qu’il balance divers morceaux aux sonorités jazz. Pour le moment, son nouveau son se nomme ‘Balise’. A son écoute, tout est là pour illustrer sa curiosité. (et son envie de soigner son univers)

Là où ‘Toujours’ sonne plus comme un standard des productions actuelles, ‘Balise’ donne une meilleure importance aux instrumentations. Elles suffisent à faire rêver.

Aucune basse vulgaire qui fait tâche. Oui, fuck the trap. Le bassiste l’accompagnant se lâche et ça groove du feu de Dieu ! Sa richesse sonore envoie diverses notes bien placées. Nul flow pété qui étouffe l’instru. Onha maîtrise bien et bien la mélodie de ‘Balise’. Il apporte son grain de poésie au milieu des plantes.

Il assume sa volonté de poser des vérités via ses paroles. C’est ça qu’on veut ! Marre de ces moralistes au ton politiquement correct (salut Bigflo & Oli). Marre de ces pseudos-rappeurs qui ne racontent rien (coucou Roméo Elvis). Onha puise dans ses impressions personnelles afin d’imaginer une introspection de qualité. Sans oublier son partage d’observations intéressantes sur nos sociétés. Puis, il a le mérite d’avoir une plume subtile. Un style à surveiller de près !

Qu’il se consume comme le récit du Soleil. Qu’il récite à chacun de nos éveils.

brunoaleas Photo ©tiny.prod

Nekfeu – Feu

Membre du S-Crew, de l’Entourage et de 1995, Nekfeu est le jeune rappeur français qui a une cote énorme ces derniers temps. Avec son album solo, Ken Samaras révèle sa puissance de parolier. Voici quelques paroles dorées.

J’connais les risques de l’amour mais j’ai toujours l’amour du risque. -« Risible Amour »

J’ai épousé ma plume pour affronter les tempêtes et repousser la brume. -« Plume »

La crise, qui est-ce qu’elle atteint?
Toi, moi ou le suicidaire qui escalade un toit? -« Tempête »

Je ne vois plus que des clones, ça a commencé à l’école.
A qui tu donnes de l’épaule pour t’en sortir?
Ici tout l’monde joue des rôles en rêvant du million d’euros.
Et j’ai poussé comme une rose parmi les orties. –« Nique les Clones Part II »

feu-dans-la-légende©Quentin Curtat

Enfin, peut-être le top :

Je suis devenu celui dont aurait rêvé celui que je rêvais d’être.
Tu me suis? Je ne vais pas me réveiller. –« Egérie »

Centrons-nous sur deux de ses morceaux: « Egérie » et « Risibles Amours ».
Le premier est un hymne à l’ego trip£. Il consiste à mettre en avant le rappeur. Il présente une réalité qui a une moindre importance par rapport à sa vie. Sa mise en image renvoie au final du clip de 
« Flashing Light », où Kanye West, ligoté dans un coffre de voiture, se fait matraquer de coups de pelle par une fille en sous-vêtements. Cette dernière rejoint Nekfeu dans la voiture comme si « Egérie » était la suite de « Flashing Light ». Le clin d’œil est drôle… d’une arrogance qui fait du bien.
Le second est une histoire d’amour ultra moderne. L’instru est lourde. Elle sonne au rythme d’un rap de veille école indémodable. Le titre se réfère également aux nouvelles Risible Amours écrites par Kundera. Car oui, le Fennec fait de nombreuses références à la littérature : Le HorlaMartin Heden, etc. Cette chanson nous embarque dans la vie ténébreuse du rappeur. Il raconte ses histoires amoureuses dont il se lasse très vite. Cela me rappelle l’effet que me procure les chansons de Jacques Brel : il arrive à attirer toute mon attention lorsqu’il conte ses récits.

Construit sur des failles… Ken a suivi sa voie et est devenu un des rappeurs, si ce n’est LE rappeur, le plus intéressant des ces dernières années.

brunoaleas
Nouvelle mise en page de la critique de 2016.

Damso – QALF

Si Lithopédion (2018) a pu être considéré comme l’album de la maturité, QALF est très certainement celui de la responsabilité. Damso y clarifie son rôle de père, de fils, d’homme et aussi de citoyen belge rattaché par le cœur à l’Afrique. La musicalité de son pays natal et de son continent en général est d’ailleurs très présent sur l’album, dans les sonorités, mais aussi parmi les collaborations.

Avec QALF, Damso nous a surpris.
Il s’est livré à son public à cœur ouvert. Et même si l’album est très complet en lui-même, suivant des variations de rythme et de thèmes, des surprises vont très certainement arriver pour parfaire et préciser toutes ses pensées, sûrement avec des sons plus nwarr. -Robin Gille

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©Africa Top Success

Damso devient petit à petit un géant du rap francophone. Via QALF, il mélange ses curiosités sonores. Le mélomane passe à des basses et paroles sévères (« D’JA ROULE »), ainsi qu’à des influences africaines (« MEVTR »). Gros coup de cœur sur « 911 » digne de la bande son propre à GTA : Vice City (2002). C’est juste ce qu’il faut pour se relaxer ou danser au ralenti.

Le rappeur déclare que son projet est une philosophie à savourer avant la sortie d’un nouvel opus. Une raison de plus d’écouter la richesse instrumentale de QALF.
Quant aux propos de l’album, certains les jugent trop fragiles. Pourtant, ils n’ont rien de dérangeants. L’artiste ne se pose pas en tant que moralisateur. Il n’a rien d’un justicier masqué. Comme à son habitude, il pose ses tripes sur le papier. Ses thèmes tournent autour de son vécu : la maladie de sa mère, sa paternité, l’amour et ses futilités.

Il n’a pas la prétention d’un Roméo Elvis parlant de colonialisme (« La Belgique Afrique »), alors que ce dernier n’est qu’un sauvage comme un autre.
William Kalubi Mwamba crée un orphelinat à Kinshasa (2018), puis, met sur pied la fondation Vie sur nous afin de lutter contre l’exploitation minière (cobalt, coltan, cuivre). Des groupes armés dirigent ces mines en terre congolaise. Ce sont des milliers d’hommes/femmes qui sont dans des conditions déplorables.

Si le ton est engagé, il est surtout digeste et important à entendre.
Damso sait de quoi il parle et d’où il vient. -brunoaleas