Le grand moment de la confirmation est venu pour Bigflo et Oli. Une étape importante dans la carrière d’un artiste mais pas pour autant la plus compliquée. En tout cas, d’un point de vue purement commercial. D’autant plus simple quand on sait le succès rencontré par un premier album tel que La Cour Des Grands. Un principe très connu est alors de rigueur pour rééditer une telle réussite : on ne change pas une équipe qui gagne !
Et ce principe-là a été parfaitement mis en application par les deux frères, en témoignent les trois clips révélés qui ont précédé la sortie de l’album : « La vraie vie », « Personne » et « Alors alors ». Trois morceaux qui reprennent les clefs du succès de leur premier album, c’est-à-dire savoir raconter des histoires du quotidien. Leurs histoires, mais aussi potentiellement les nôtres. Ils réussissent une nouvelle fois le tour de force de mettre en musique des thèmes relativement banals, sans jamais oublier de délivrer un message de fond.
A préciser tout de même que cette « banalité », dans les thèmes abordés, n’est pas seulement une contrainte. Elle permet une identification et un attachement quasi immédiats aux deux jeunes rappeurs et à ce qu’ils nous narrent. Le terme « narrer » n’étant ici pas employé au hasard, tant leur texte, et la façon dont ils les écrivent, relèvent de la description. Facilitant encore l’identification et la compréhension du public, que ce soit pour évoquer un lieu, une situation, une époque… Mais aussi en ce qui concerne les fameux messages de « fond » qu’ils veulent faire passer. Leurs flows et techniques vocales extrêmement complets et variés sont eux-aussi toujours au rendez-vous.
Tout ce que l’on connaissait au sujet des capacités propres à Bigflo et Oli, ce pourquoi on a aimé leur premier album, on le retrouve dans La Vraie Vie. On le retrouve même parfois de façon plus aboutie. Les moyens de production de ce deuxième album étant sans aucun doute plus conséquents. Cela s’aperçoit de par le choix des prods qui est moins classique, moins simpliste qu’il avait pu être par le passé.
Seulement, même si une bonne partie du boulot a été faite, bien faite même, il manque à cet album ce petit quelque chose qui aurait comblé les nombreuses attentes placées en Bigflo et Oli après La Cour Des Grands. On ne perçoit pas dans ce nouvel opus de « renouveau ». Une prise de risque, ou deux, permettant au duo d’affirmer qu’il est capable de sortir d’une certaine zone de confort.
En effet, tous les titres qui constituent La Vrai Vie sont pensés de la même façon. Leurs histoires et le sens qu’ils lui donnent priment sur la manière. Privilégier le fond à la forme n’est pas un problème en soit, au contraire même. Par contre, le faire systématiquement peut en être un.
S’interdire une composition un peu plus travaillée en terme de sonorités ou de « musicalités », quitte à donner un peu moins de sens au texte, c’est manqué d’ajouter une corde de plus à son arc. Pourtant, le titre « Personne » prouve par moments, qu’ils ont les cartes pour le faire. Le but de ce track est de dénoncer le manque d’importance que le public peut accorder aux textes des chansons. Mais malgré ce message, c’est bel et bien le travail sur le son, plutôt que sur le sens des paroles, qui retient l’attention en premier lieu. Situation paradoxale.
Je ne suis pas convaincu que La Vraie Vie soit toujours une source d’inspiration pertinente. Il faudrait apporter un point de vue original à ces histoires, qui ne le sont pas, pour les rendre intéressantes. Mais Bigflo et Oli ont pris le parti de nous rapper « la vie normale », tout en restant, quoi qu’il arrive, des gens normaux malgré le succès. De quoi vite tourner en rond. C’est la limite de leur concept. Un concept qui a fonctionné pour leur premier album car il était relativement inédit. Le réutiliser pour le second en le faisant très peu évoluer, c’est prendre le risque de donner un sentiment de « déjà entendu » à leur auditoire.
Confirmer un talent, un potentiel artistique à travers un second album, ce n’est pas seulement reproduire ce qui a déjà marché, ou même l’améliorer. C’est prouver que l’on est compétent, non pas de changer, mais d’évoluer. Il ne fait aucun doute que Bigflo et Oli ont le bagage technique pour se permettre de naviguer vers d’autres horizons.
Cette évolution doit s’opérer dès leurs prochaines créations.
Justin Instant