Misuzu a 24 ans et est enseignante dans un lycée. Elle mène une vie banale, passe du temps avec sa meilleure amie et aussi avec le fiancé de cette dernière. Celui qui l’a violée il y a quatre ans… et qui continue depuis.
Akane Torikai prend le pari de dépeindre avec justesse et subtilité un éventail de personnages qui participent inconsciemment à la perpétuation d’un « monde divisé en deux » : certains dominent, d’autres subissent. Un monde où Misuzu a très bien compris dans quel camp elle se trouve. Malgré cela, la jeune femme tente de poursuivre son existence avec dignité, masquant sa blessure et réprimant sa colère.
Mais si le personnage principal est Misuzu, un second protagoniste important apparaît rapidement. Il vient préciser que le sexisme n’oppose pas les méchants mâles aux pauvres victimes exclusivement féminines. L’introduction de Niizuma permet de nuancer le concept de consentement et de responsabilité en matière de relation sexuelle. C’est le cas en réalité des autres relations mises en scène dans le manga. Elles rappellent qu’un manichéisme est bien trop simpliste pour expliquer l’état actuel des inégalités de genre.
Ce sont bien ces traitements et ces stéréotypes différenciés, selon qu’on soit un homme ou une femme, qui rassemblent Misuzu, Minako, Hayafuji, Niizuma, Mika, etc. Ils n’ont pas grand-chose en commun, si ce n’est évoluer dans une société qui les définit selon leur genre et légitimise la discrimination et les attentes qu’on a d’eux. Viols, grossophobie, masculinité toxique, injonction à la beauté, à la virginité… L’autrice n’hésite pas à affronter et, ce faisant, à dénoncer des oppressions banalisées et des comportements discriminants envers ceux qui sortent de la norme et/ou qui sont infériorisés.
Les différentes histoires parallèles à l’intrigue principale, loin de nous en éloigner, viennent nourrir la problématique de la protagoniste. Elles permettent d’enrichir le portrait d’une société viriarcale opprimant les femmes et contraignant les hommes (et inversement, toute proportion gardée). Le dynamisme de l’histoire est soutenu par des dessins simples, propres, efficaces et solidement ancrés dans une réalité représentée. Un univers décortiqué sans concession par une mangaka lucide et impitoyable.
Toutes les histoires ne sont pas belles. Mais peut-être que celle-ci finira bien ? Il faudra attendre la parution du 8ème et dernier tome de la série pour le savoir.
Giulia Calamia