Un pays qui se tient sage est un documentaire d’une heure trente. Il revient sur les violences entre policiers et manifestants en France, entre novembre 2018 et février 2020, et il vaut assurément le détour.
D’abord, même si nous avons vu certains de ces extraits lors de JT ou sur les réseaux sociaux, vivre ces images réelles de violences, d’explosions, de cris, de pleurs, de façon compilée et dans les conditions visuelles et sonores d’une salle de cinéma est une expérience puissante.
Ensuite du point de vue de la forme, le documentaire est remarquablement mis en scène.
David Dufresne a mis au point des dispositifs forts : les victimes découvrent les images de leur agression en direct sur grand écran, les intervenants sont filmés en gros plans avec un éclairage hémiplégique. Sans oublier qu’avant de monter une scène de guérilla urbaine, le réalisateur filme l’endroit dans son environnement normal, ce qui accentue le ressenti de violence.
C’est donc une réussite esthétique indéniable.
©Les Inrocks
Sur le fond, le film désamorce les reproches qu’on pourrait lui faire : le manque de contradicteurs dans les intervenants et l’impossibilité de contextualiser les images. Malgré ces efforts, la plupart des interventions (assez inégales) d’intellectuels abondent toutes dans le sens d’une utilisation illégitime de la violence de la part de l’Etat. Si bien qu’à la fin du film, je ne sais pas si j’ai vu un documentaire à charge ou s’il y a eu effectivement une réponse à un mouvement populaire digne de certains Etats autoritaires. La question n’est pas tranchée et le film vient nourrir la réflexion, ce qui est plutôt une preuve de réussite.
En y repensant, je me dis que la suite devrait être un documentaire d’investigation afin de savoir quels ont été effectivement les ordres et les stratégies de l’Etat français et si, comme on peut se plaire à l’imaginer, les hautes sphères du pouvoir en France ont cru vaciller pour de bon. Mais cela, le saurons-nous un jour ?
AS