Et si on parlait de réalisme ?
Non pas de la froideur des frères Dardenne, ou de l’intouchable Ken Loach.
Via Drunk, Thomas Vinterberg signe une œuvre réaliste où des astuces cinématographiques ne sont pas à l’écart pour privilégier le silence ou la nature. Quatre amis, profs d’un même lycée, mettent en pratique la théorie d’un psychologue norvégien. L’homme aurait dès la naissance un déficit d’alcool dans le sang. Soudain, leur quotidien change du tout au tout lorsqu’ils enchaînent les verres. Ils se désinhibent jusqu’à charmer leur entourage et… tomber dans les déboires d’une surconsommation d’alcools.
La caméra filme au plus près des visages. Les cartons sur fond noir illustrent avec brio les idées des personnages. Quant aux acteurs, ils jouent la joie et le dégoût avec assez de crédibilité.
Le cinéaste évite des moments inutilement larmoyants pour nous montrer la tristesse en quelques larmes, et la déception en un regard. A l’image des conversations philosophiques dans Mid 90’s (Jonah Hill, 2019), le scénario fait preuve d’énormément de subtilité.
Sans oublier sa mise en scène très propre. Les transitions au clavier, les dialogues ciselés, les hautes lumières danoises amènent à penser que la réalisation restera mémorable.
Drunk questionne le cycle de la vie. Comment combattre l’angoisse et le désespoir quand tout nous échappe ? L’alcool est la réponse des protagonistes. Sauf qu’il symbolise à la fois une récréation et un fléau. Le récit nous plonge bel et bien dans ses folles conséquences.
Il nous rappelle également qu’absorber des drogues n’est qu’une manière de creuser sa tombe.
N’attendons plus rien de la société.
L’idée que les psychotropes augmentent l’amour de soi est une chimère.
L’homme est ainsi, cher monsieur, il a deux faces ;
il ne peut aimer sans s’aimer. –Albert Camus, La Chute (1956)
DRAMA
Drunk s’ouvre sur une citation du célèbre philosophe danois Søren Kierkegaard (1813-1855) :
La jeunesse ? Un rêve. L’amour ? Ce rêve.
Teintée de mélancolie, cette phrase enveloppe ensuite le film de toute sa poésie. En effet, le scénario bascule incessamment entre l’exaltation de la jeunesse, l’apathie d’une vie routinière, l’envie d’aimer, puis celle de se détruire.
Même si l’œuvre raconte comment l’alcool peut influencer notre quotidien, elle emprunte le prétexte de l’ivresse pour clamer la perte de contrôle, pour finalement, ne pas se perdre soi-même. Il s’agit véritablement d’un film existentiel qui, grâce au ton naturaliste, brut et vif de la réalisation, nous touche, tant cela est brillant de simplicité et d’humilité.
Drunk est une célébration de la vie, une invitation au voyage, à l’amour. Il s’offre à nous tel un remède en cette année 2020, et, on peut le dire, ça fait un bien fou.
Joy
©Haut et court
Drunk raconte l’expérience menée par 4 amis professeurs quinquagénaires qui décident de se maintenir alcoolisés en permanence pour tenter de retrouver une vitalité disparue.
Si l’idée du film peut sembler potache, elle permet à Thomas Vinterberg de réaliser un film où tout fonctionne. Grâce aux personnages auxquels on croit instantanément, à cette réalisation souple et proche des acteurs, à cette lumière qui tantôt sublime, tantôt amoche, et grâce à une bande originale aussi pénétrante qu’éclectique, le spectateur passe par toutes les couleurs.
Comme lors d’une grosse cuite, tout est amplifié. Les larmes succèdent aux euphories, et le film (surtout en cette période de disette festive) grise progressivement jusqu’à la sortie de salle, où le trouble sur son propos réel ne fait que s’ajouter à sa réussite.
A voir.
AS