Warcraft

Quand le jeu vidéo débarque au cinéma… Encore !

Avec le temps les studios devraient le savoir, les adaptations de jeux vidéos au cinéma ne font pas bon ménage. En remontant dans le temps on s’aperçoit très vite que les plus grands titres y sont passés et on laissé plus que de mauvais souvenirs.

Resident Evil, Dead or Alive, Hitman, Tomb Raider, Super Marios Bros, Doom, Mortal Kombat et j’en passe, n’ont su prouver qu’une seule chose auprès des Geeks qui y étaient attachés: pour adapter ses œuvres, il fallait les confier non pas à des « Yes Man » mais à des auteurs aussi passionnés que leurs créateurs.

Mais l’annonce du projet Warcraft au cinéma, qui remonte au alentours de 2012, avait su attiser la curiosité de tous, aussi bien des fans de la célèbre licence crée par Blizzard, que des néophytes. Et malgré un lourd passé pour les adaptations de jeu vidéo, tout le monde semblait confiant à l’idée de savoir que c’était les créateurs eux-mêmes des jeux Warcraft qui était en charge de la production du film et non un studio fortuné voulant juste rajouter un nouveau produit bidon de lessive à son tableaux de chasse.

Même votre fidèle serviteur était ravi de cette annonce, plus encore par celle qui suivit peu de temps après. L’annonce de Sam Raimi (La trilogie Evil Dead et Spider-Man) à la réalisation du film, avait rassuré la plupart des fans et avait sans doute trouver le moyen d’en fédérer d’autres. Une annonce qui laissa par la suite le projet en attente mais qui hélas, fut très vite obligé de chambouler son programme suite au départ de Sam Raimi quelques temps après, avec un premier script à peine fini. Les raisons : divergences artistiques et une date de sortie fixée qui semblait trop rapide pour Raimi.

Suite à cela, Blizzard dut débaucher un autre réalisateur capable de s’attaquer à un tel projet tout en étant un grand connaisseur de l’univers en question. Duncan Jones sera finalement l’heureux élu. Fils de David Bowie et réalisateur plutôt talentueux, il avait comme fait d’armes, deux films de science fiction très intéressant (Moon et Source Code). Fan de Warcraft et de son univers, il semblait être un parfait choix de remplacement pour Blizzard, ainsi que pour les fans. Les premiers trailers laissaient supposer la compréhension de l’univers par Duncan Jones et de ses équipes, ainsi que d’un résultat se rapprochant réellement des attentes de Blizzard et des fans.

Et finalement, la question la plus importante autour de ce film, vous vous en doutez, est : « Cela valait-il le coup d’espérer ? » La réponse… Pour ma part, oui !

A ce jour, le film de Duncan Jones est peut-être l’adaptation de jeu vidéo la plus réussie, portée au cinéma, jusqu’à présent.

Qu’on se le dise, Warcraft : Le Commencement est malgré tout un film imparfait à plus d’un niveau. Son ambition cinématographique est tout aussi respectable que la volonté et la passion de ses créateurs à vouloir nous y faire adhérer en est admirable. Cependant qui dit ambition ne veut pas forcément dire réussite totale. Warcraft est un film qui essaye de proposer énormément au spectateur, tout en n’en montrant le moins, ce qui est assez paradoxal quand on y pense. L’ « héroic fantasy » n’est plus à présenter de nos jours, Peter Jackson a su appuyer cet imaginaire dans l’inconscient collectif grâce à sa saga du Seigneur des Anneaux/Le Hobbit, 6 films, sortis sur ces 10 dernières années qui ont réinventé le cinéma tant dans sa façon de le filmer que de l’écrire mais aussi de le faire évoluer.

Les acquis technologiques qui ont permis à des films comme le Seigneur des Anneaux, Avatar ou Star Wars d’exister, sont les mêmes qui ont permis à un film comme Warcraft et son univers de voir le jour. Des œuvres qui pensaient leur mythologie et qui les voyaient comme un moyen d’atteindre le cœur des spectateurs à grand niveau émotionnel, donc fédérateur. En ça, Warcraft marche sur les traces de ses aînés, sa mythologie est tout aussi riche que celles des films pré-cités, et ses personnages de véritables figures iconiques descendant des écrits de J.R.R. Tolkien et de Edgar Rice Burroughs.

Seul (et véritable) ombre au tableau, Duncan Jones, qui nous livre une version bâclée de son film, fort divertissant et attachant c’est certain, mais qui peine à convaincre totalement à travers son montage cinéma (officiellement le seul qu’on aura), un montage qui a du mal à faire respirer cet univers au fort potentiel. Comme peuvent en témoigner les nombreuses rumeurs et propos autour du film (on parle quand même de 40 minutes de métrage en moins), le film de Jones, réduit à une durée dérisoire de seulement 2h, suffisant pour divertir mais pas certain de convertir, l’univers et ses personnages ainsi que tout ce qui bouscule notre arrivée dans ce monde est soit trop précipité, soit pas assez présenté. Certes il est difficile de passer après un Peter Jackson ou bien même après un Sam Raimi pour le coup.

Le film Warcraft avait pour objectif de présenter un nouveau réquisitoire de films d’aventure pour le grand public tout en se devant d’apporter sa propre contribution au genre. Un objectif difficile à atteindre, surtout quand on comprend très vite que le film apparaît plus comme une œuvre fait par des fans pour des fans, et ça malgré les raccourcis que le film empreinte constamment. Même les quelques scènes coupées et présentées dans les bonus du BR/DVD se font très vite désirer dans le montage final, après avoir été visionnées.

Warcraft est un film qui manque de temps de pose, d’ouverture à son monde, là où les cinéastes, cités plus hauts, prenaient le temps non seulement, d’offrir un horizon à leur univers, mais aussi de laisser cet horizon s’exprimer. Le début de Star Wars sur la planète Tatouine ou celui du Seigneur des Anneaux avec la Comté, n’était pas là pour faire « que » joli. C’était le point de départ d’une aventure qui invitait le spectateur à rentrer petit à petit dans un univers qui semblait plus grand et plus important qu’il ne le pensait, jusqu’à faire partie intégrante de cet imaginaire. Ici, à peine le temps de découvrir un lieu, qu’on est projeté dans un autre et puis dans un autre avec au final peut d’information et peu de ressenti sur les choses.

Et pourtant Duncan Jones réussi à faire vivre cet univers visuellement mais il peine à le faire spirituellement. Tout comme la précipitation de l’évolution de ses personnages principaux qui demeurent au final assez pauvres au premier regard. Les figures emblématiques que sont Lothar et Durotan semblent travaillées et demeurent également attachantes. Chacun étant un reflet de l’autre et dont les actions servent le même but. Néanmoins, ils paraissent vite expédiés de par leur temps de présence dans un monde qui ne prend pas le temps, lui, de les présenter suffisamment. La détermination de Lothar opposée au deuil de son fils, tombé au combat, semble ne rester qu’en surface, alors qu’elle aurait pu être un point tragique intéressant à creuser. De même pour Durotan, fier chef orc guerrier dont le sacrifice a un lourd sens, puisqu’il s’agit de l’héritage qu’il livrera à son fils. Néanmoins, cela semble si anecdotique par rapport à la manière dont il est traité.

Car voilà un autre point qui handicape Warcraft : l’absence de récit identitaire. Un récit initié par Joseph Campbell à travers « l’appel du héros », schéma symbolique des étapes de l’appel à l’aventure qui ne peut avoir de sens que si son auteur place le spectateur à la place du protagoniste. Ce qui lui permet de vivre, tout comme le héros de son récit, les mêmes sensations de découvertes et de questionnements. Des récits que l’on retrouve dans Avatar, Matrix, Star Wars et toutes les autres grandes sagas épiques de ces 40 dernières années.

Un récit absent de Warcraft qui empêche l’attachement véritable à son univers mythologique puisque la forme dont il est présenté semble beaucoup trop refermé sur lui-même et donc pas assez ouvert à son spectateur. La scène pré-générique du film pourtant résume parfaitement d’entré de jeu la thématique du film et sa portée mythologique : l’opposition de 2 mondes anciens, dont l’histoire s’écrira à travers des récits d’affrontements et dont l’enjeu sera la future génération. D’ailleurs, l’apparition du titre du film survenant après la naissance de cette nouvelle génération en question, et qui demeura pour les aficionados « la scène » clé du premier film Warcraft, est un exemple des bonnes idées scénaristique du film. Souhaitant dès le début amorcer sa mythologie de façon limpide envers le spectateur lambda et de façon symbolique pour les fins connaisseurs.

Mais malgré cet évident problème de un montage trop court et une narration trop précipitée, Warcraft : Le Commencement tient la promesses qui nous avait était faite: la retranscription du monde qu’il adapte, de ses personnages, et de ses enjeux sont à l’image de ce que l’on pouvait en espérer. Le travail des équipes de Blizzard et de ILM sur la production design et les effets spéciaux rendent totalement honneur au jeux Warcraft ainsi qu’aux fans.

Mention spécial pour les orcs, formidable performance capture à l’image des singes de La planètes des Singes et des Na’vy d’Avatar. De nouveau, le réel et l’effet spécial fusionnent très bien dans un films qui se devait lui aussi de les réunir.

Mais maintenant quel futur peut on espérer pour l’avenir cinématographique de Warcraft?

L’échec au box office us risque de beaucoup retarder la suite de l’œuvre de Duncan Jones. Malgré un rattrapage sur le sol asiatique, le film Warcraft s’en sort de justesse. Il faut donc croiser les doigts pour que les investisseurs continue l’aventure Blizzard au cinéma, même si il faut attendre un peu de temps pour ça.

Pour conclure, je pense que l’espoir nous est permis et que le meilleur reste à venir, car comme le dit si bien le titre, ceci n’est qu’un commencement. Pour les fans de Warcraft qui connaissent l’univers du jeu, beaucoup savent que de grandes choses sont à venir pour la suite, notamment via le plan final du film qui à lui seul « tease » l’adaptation du jeu Warcraft préféré des fans nous laissant avec cet horrible goût amère dans la bouche, celui d’une suite qu’on attendrait plus que le premier film. Surtout quand on sait que cette suite pourrait, si elle est parfaitement exécutée, répondre au schéma héroïque cité plus haut et dont le résultat ne serait pas sans nous rappeler le parcours de grandes figures de « l’heroic fantasy » tels que Conan et John Carter.

Le film de Duncan Jones n’a absolument rien de honteux, et d’une certaine manière est à l’image de l’histoire de son film, celle d’une guerre entre deux mondes que tout oppose. Warcraft essaye de se faire une place dans un monde qui n’est pas le sien et dont celui qui y règne n’est pas vraiment sûr de vouloir le laisser entrer.

Tout comme Garona, le personnage le plus intéressant du film, peut être faut-il accepter de se faire une raison et d’embrasser ce qui nous définit, en demeurant là où l’on considère que se trouve notre vraie place. Tout cela afin d’être le pont entre deux mondes et de mieux envisager une réconciliation future et utopique.

Comme chacun le sait, c’est toujours le « commencement » qui est le plus dur…

Le Daron

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