Le stakhanoviste Marc Rebillet n’est pas le seul musicien à remplacer l’entièreté d’un groupe sur scène. Tash Sultana, Jarle Bernhoft et Mylets font partie d’une jeune génération de musiciens à composer via un système de mélodies passant en boucles.
Les musiciens qui se créent seul, dans leur chambre à coucher, avec quelques outils multimédia se multiplient comme des petits pains. Avicii créait lui-aussi se premiers sons en pyjama, avant de se retrouver dans les stades. Mais beaucoup d’autres ont pris le relais avec plus ou moins d’originalité.
En juillet 2018, le New Yorkais Marc Rebillet fait le buzz avec sa vidéo appelée « Summertime ». Torse nu derrière son clavier, il compose une mélodie faite de boucles passées dans un sampleur puis un ordinateur. Résultat: le morceau fait plus de 800 000 vues. Rebillet sort un deuxième EP (Loop Daddy II) un an plus tard, et tourne dans le monde entier. Nous avons sélectionné trois autres artistes aux parcours similaires, qui tournent en Europe cet été. Trois guitaristes aux visions singulières.
Tash Sultana – Engagée, Australienne et rock!
L’Australienne Tash Sultana reçoit sa première guitare à trois ans, des mains de son grand-père. L’ autodidacte développe rapidement un style unique. Elle maîtrise ensuite 12 autres instruments ! Elle joue désormais dans des arènes et son nom se retrouve sur différentes affiches de grands festivals. Cela est dû à ses succès musicaux dont ses titres « Murder to the Mind » et « Mystik » très vite certifiés disques d’or en 2017. S’ensuit l’année d’après le prix du Meilleur Album Blues/Folk pour son premier opus, Flow State, décerné par les ARIA Awards (Australian Recording Industry Association). Quant à « Jungle », morceaux à plus de 50 millions de vues, il séduit et détend à chaque écoute.
Pour ce qui es de ses influences, elle les tire de Pink Floyd, Bob Marley ou encore Amy Winehouse. L’artiste dont elle hérite le plus son jeu de guitare est certainement Jimi Hendrix (rien que ça!).
Son succès prend de l’ampleur après les publications de ses « Bedroom Recordings » sur Youtube.
La multi-instrumentiste est également la plus engagée des trois. Membre active de la communauté LGBTQ+, l’Australienne milite en faveur du mariage homosexuel dans son pays. Elle débute tous ses concerts en rappelant qu’homophobes, racistes et transphobes ne sont pas les bienvenus. ‘‘C’est du bon sens. C’est important. J’ai annoncé cela en Amérique du Sud, où beaucoup de gens ne le comprennent pas. Je l’ai également dit à Singapour, alors que c’est illégal d’être homosexuel et de jurer sur scène. Je ne suis pas en prison mais je l’ai dit. C’est important parce que ce n’est pas un crime’’, déclare-elle sur Radio New Zealand.
Jarle Bernhoft – Plus funky que punk
Jarle Bernhoft grandit à Nittedal (Norvège), mais vit actuellement à New York. De 1996 à 2002, il fait ses armes chez les rockeurs de Explicit Lyrics et Span, en tant que guitariste/chanteur. Le Norvégien s’éloigne ensuite de ses bandes et se lance en solo dès 2008 pour nous servir une pop rock, douce et chaleureuse.
Il revient actuellement à la base de son expérience musicale, en jouant avec un groupe nommé The Fashion Bruises. De cette collaboration naît Humanoid, son sixième album sorti l’année dernière, aux titres dansants et apaisants.
Son passage sur la scène de One Shot Not, ancienne émission Arte conduite par Manu Katché, illustre l’univers du chanteur. La voix et le jeu de Jarle Bernhoft participent à son charme. Au look soigné, seul avec sa guitare et son micro, il impose sa prestance dès ses coups donnés à sa guitare en guise de percussions. Son chant soul et le rythme dynamique qu’il incorpore dans ses boucles réchauffent la salle en peu de temps. Lorsque l’animateur Manu Katché se joint à la batterie pour interpréter « Shout » (Tears for Fears), la fusion fonctionne et le public s’enflamme.
Malgré son utilisation nécessaire et obligatoire des pédales, Jarle Bernhoft ne se voile pas la face par rapport à la musique moderne: ‘‘Tant de musiques actuelles sont informatisées et ressemblent à des machines. Je sentais que je devais faire l’inverse et créer à nouveau de la musique humaine. Il est impératif de rester en contact avec la vie organique et j’ai plongé dans ces paysages sonores. En utilisant amplement les guitares, la batterie et la basse, j’essaie de briser les gens de Facebook et de les ramener dans la vie réelle’’.
Mylets – La rigueur à l’état brut
Le plus impressionnant des trois se nomme Mylets. Tel est le projet math rock de l’Américain Henry Kohen. Le musicien sort ses premiers morceaux en 2011 et 2012, avant d’être repéré par Sargent House (Chelsea Wolfe, DIIV, Brutus) qui réédite ses titres sous la compilation Retcon en 2013. Son premier vrai album, Arizona, sort en 2015 sur le même label.
Son jeu à la guitare impressionne. Sa rapidité laisse bouche bée. Il gère avec maestria son instrument et ses percussions. Sa guitare et sa boîte à rythmes fonctionnent avec deux pédales en boucles séparées. Elles sont ensuite synchronisées sur une horloge MIDI, de sorte que la guitare et la batterie soient mises en boucle à chaque concert. Tout est question de rigueur. ‘‘Je dirais que mon style est assez rigide. Une grande partie du travail à la guitare est née de discipline et d’erreurs’’, confirme Henry Kohen sur le website MusicRadar.
Son timbre de voix ne laisse pas non plus indifférent. Il n’y qu’à écouter « A Itch » pour saisir à quel point son chant rauque se dote d’une puissance métal. Il colle d’ailleurs parfaitement à son ambiance sonore. Sa frappe vocale se ponctue également de pas de danse proche d’une salsa d’ivrogne.
Depuis sa dernière tournée nord-américaine en 2017, il n’a lâché aucun nouveau single. Tout ce que l’on sait provient d’un post Instagram (octobre 2018), où il dévoile: ‘‘Le nouvel album est entièrement écrit. Il sortira peut être l’année prochaine. Ca ne ressemble en rien aux vieux trucs. C’est exactement moi’’. Nouvelle confirmée il y a quelques jours: l’Américain n’attend plus que son nouveau projet soit mixé.
DRAMA
Illustration bannière ©Dillon Vaughn