Le Tombeau des Lucioles

Grand fan d’animation japonaise, lorsqu’on ma parlé pour la première fois du Tombeau Des Lucioles, j’en avais l’eau à la bouche:

on me le présentait alors comme une perle du studio Ghibli, un chef d’œuvre acclamé par la critique, on me le disait si chagrinant et émouvant que même les hommes les plus virils de mon entourage m’ont avoué avoir versés toutes les larmes de leurs corps en gémissant tel des fillettes… On me l’a vanté comme un larmoyant témoignage des horreurs de la guerre, nous faisant vivre le drame des victimes civiles.

Drame! Aaaah quelle désillusion! Ma réaction face à cette œuvre fut tout à fait différente que celle qu’avait prédit ceux qui m’en avaient fait l’éloge. Au contraire, la colère s’était emparée de moi, je me sentais trompé et sale!

Pourquoi? Il y a tellement de choses à dire que je pourrais vous faire une rédaction de 20 pages détaillant chaque scène du film mais je me contenterai ici de ne parler que des points qui représentent à mes yeux les coupables d’un lavage de cerveau de masse!

Commençons par résumer l’histoire du film. En 1945, à Kobe, un jeune garçon de 14 ans, Seita, et sa sœur de 4 ans, Setsuko, se trouvent livrés à eux-mêmes après la mort de leur mère durant les bombardements américains. Ils se retrouveront chez leur tante qui n’est pas très sympathique et finis par les traiter comme des fardeaux. Seita décide donc d’échapper à cette oppression avec sa sœur et trouve un petit abri abandonné au bord d’une rivière. Ils y passent quelques jours heureux, entourés des lucioles qui habitent la rivière mais ils commencent à manquer de nourriture et Setsuko tombe malade. Seita essaye beaucoup de chose pour la sauver mais échoue et la petite fille, pourtant si jeune, meurt de carence alimentaire. Atterré, Seita incinère le corps de la sœur qu’il n’a pas pu protéger et finit par se laisser mourir sur le quai d’une gare, plein de regrets.

Vous aurez peut-être remarqué que je n’ai pas pris soin d’éviter les « spoilers » dans ce synopsis, la raison est simple. Par ce qui est à mes yeux un bien étrange choix de direction, le film est découpé de sorte à ce que la fin soit au début. Ainsi la toute première scène que l’on voit est la mort de Seita, voyant le spectre de sa sœur dans son dernier soupir. Je trouve personnellement ce choix très discutable et nous en parlerons plus tard.

Maintenant que nous connaissons toute l’histoire j’aimerai faire passer un petit test a ce film, une sorte d’épreuve qui nous permettra, je le pense, de déterminer sa position de tragédie. Est-ce que ce film est vraiment si triste que l’on le dit?

Tout d’abord, les personnages sont-ils attachants, atteint-ils notre empathie? Pouvons nous nous y identifier facilement et leurs choix sont-ils porteurs de sens? Cette étape est très importante pour tout film, ce critère définit tout le potentiel qu’aura le film à nous faire ressentir les émotions des héros.

Les évènements sont-ils tragiques? Sont-ils injustes ou désespérants? Pourquoi la tragédie a-t-elle eu lieu, est-ce le fruit du hasard, d’une tierce personne ou est-ce le résultat des actions du protagoniste?

Et enfin, comment ces évènements sont-ils présentés?

Évidemment je ne suis pas un chercheur en psychologie ou en quoi que ce soit, cette liste est subjective, elle ne représente que ce qui est capable d’affecter le spectateur de façon efficace. Mais elle n’est ni vérifiée, ni approuvée. Cependant, elle me permettra durant cette critique de développer chacun de mes arguments de manière compréhensible.

Commençons par le plus gros problème du film, les personnages. D’abord, Seita est extrêmement antipathique. Ce préadolescent de 14 ans, originaire d’une famille aisée est un sale gosse. Voila toute l’essence de son personnage. Il est écrit comme un personnage assez inexpressif et protecteur envers sa petite sœur mais il est avant tout un fainéant, un hypocrite et un lâche.

On pourrait croire que la tante de Seita est cruelle avec eux mais n’importe qui à sa place aurait eu la même réaction qu’elle si ils devaient hébergés deux enfants qui ne sont pas les siens et que ceux-ci ne travaillent pas. Car Seita ne fais rien de ses journées et n’a aucune excuse pour ne pas se démener à chercher du travail comme absolument tout jeune garçon en temps de guerre. Ensuite, se sentant opprimé par sa tante qui pourtant les accueille et les nourrit quotidiennement, il décidera d’aller vivre seul au bord de la rivière, emportant avec lui sa jeune sœur. C’est évidemment parce qu’il ne savait pas la nourrir correctement qu’elle tombe malade. Pour trouver de la nourriture, le gredin s’abaissera même à tenter de voler des légumes dans les champs des pauvres paysans… Acte pardonnable si, depuis le début, il n’avait pas une grosse somme d’argent (3000 yens, une somme bien suffisante pour les nourrir tout les deux pendant au moins un mois), rendant son vol mais aussi son incapacité de s’occuper de sa sœur stupides. Après la mort de sa sœur, il se laisse mourir comme un chien sur le quai d’une gare au lieu de survivre, ne serait-ce que pour faire honneur a la mémoire de sa sœur. J’ai entendu certaine personne l’excuser pour sa naïveté juvénile mais j’objecte. A 14 ans, en 1945, on est déjà presque un adulte. Ses actions restent foncièrement agaçantes. Et quand bien même, toutes ses erreurs proviendraient d’une certaine naïveté, cela en ferait-il malgré tout un personnage sympathique? J’en doute.

Passons ensuite au deuxième protagoniste et à la raison de toutes ses larmes versées sur les canapés: la douce et innocente Setsuko. Ce personnage me pose un problème dans le sens ou je l’ai senti comme forcé: je m’explique: chacune des scènes où elle agit n’a pour but que de la montrer comme étant la plus mignonne ou innocente possible. C’est comme si elle ne faisait qu’attirer l’attention du spectateur et essayait désespérément de préparer le terrain pour que sa mort soit la plus triste à imaginer. Cependant, je ne dis pas que sa mort n’est pas triste, c’est tout de même la lente agonie d’une petite fille que l’on nous montre. Mais la potentielle force émotionnelle est presque entièrement détruite par deux facteurs. D’abord, le fait que sa mort est la faute de la bêtise de son frère fait de la mélancolie, une colère et enfin, ce qui est impardonnable à mes yeux, la séquences de 3 minutes, où l’on ne voit que des instants de la vie passée de Setsuko, la montrant en train de jouer, de manger et d’être heureuse. Suis-je vraiment le seul à avoir ressentit un profond dégout devant cette scène? Saupoudrée d’une musique lente d’opéra larmoyant, cette scène est une insulte pour l’intellect des spectateurs. C’est à se demander si on avait pas compris que la mort de la fille était triste et que quelqu’un attendait qu’on verse une petite larme. On nous pousse devant les yeux un remix spécial jeune vie foutue. J’avais l’impression d’être devant l’une de ces AMV médiocres que l’on trouve partout sur Youtube. Pour avoir recourt a ce genre de scène tireuse de larme, le film dévoile sa faiblesse et son incompétence à créer des personnages assez attachants pour qu’on en soit préoccupé sans de tels artifices.
Pour finir mes arguments, j’aimerai parler du problème de la première scène dont j’ai brièvement parlé plus tôt. Pourquoi n’avoir pas mit cette scène à la fin du film? Parce que c’est là encore une grosse faiblesse du film, elle dévoile ses atouts dès le début, comme voulant à tout pris garder notre attention. La scène du début est tout simplement magnifique: le jeune Seita, dans un dernier soupir rejoint sa sœur et sous une nuée de lucioles illuminant les cieux, ils prennent le train qu’ils auraient voulu prendre pour s’échapper de toutes ces horreurs, vers une destination inconnue… Voici un scène touchante qui laisse plutôt perplexe. Elle donne une impression de « climax » et de satisfaction que l’on ressent après une fin bien orchestrée. Sauf que c’est la toute première scène. Non, vraiment, le film aurait été bien plus beau et je n’arrive vraiment pas à comprendre pourquoi la direction a fait ce choix de montage.

J’ai tout à fait conscience de la dureté de mes critiques et que mon avis est très controversé (malgré mes recherches je n’ai pas trouvé une seule critique négative de ce film). Aussi, je ne serai pas de mauvaise fois, malgré toutes ces failles scénaristiques, le film reste tout à fait solide et comporte de nombreuses scènes très mémorables. Même la musique, donnant par moment des sensations de vieux Disney, montre de touchants morceaux de violons. Techniquement, cela reste un chef d’œuvre mais je dénonce la démagogie dont il fait preuve. Les producteurs ont préféré opter pour une machine à tirer les larmes sans âme, au lieu de faire un simple conte sur la guerre, sans prétentions de ce genre.

La prochaine fois, je vous parlerai de Gen d’Hiroshima, œuvre assez similaire que nous allons comparer à celle-ci.

Cymophan

Laisser un commentaire