Spider-Man: Homecoming

Le rêve si cher aux fans du Marvel « Cinematic » Universe, à savoir l’intégration du personnage de Spider-Man dans la grande fresque super-héroïque du studio, concrétisée à la truelle dans le désastreux Civil War, a enfin pu se confirmer au travers d’un premier film. Cinq ans après le désastreux reboot The Amazing Spider-Man et dix ans (déjà) après la fin de la fabuleuse saga de Sam Raimi, le film, se consacrant uniquement à cette nouvelle lecture de l’homme araignée, fut attendu. Est-ce que Marvel Studios et Jon Watts réussissent à faire oublier l’affreux dyptique de Marc Webb et à atteindre le niveau du maître Raimi? Rien n’est moins sûr.

Le ton est directement donné: le film introduit son héros en remontrant les événements de Civil War vus par la caméra du téléphone de Peter Parker, qui n’hésite pas à se filmer en auto-portrait et ainsi tenir une sorte de journal-vidéo comme bon nombre de vidéastes le font actuellement sur Youtube. Le Spider-Man de Spider-Man: Homecoming sera le Spider-Man de la génération 2000 ou ne sera pas. Si ce fort ancrage générationnel est pertinent (aussi horripilante soit cette pratique narcissique du « vlog »), dans la mesure où tout le film se veut être une sorte de teen-movie super-héroïque, ce qui en soi est une bonne idée, il n’est finalement qu’un artifice duquel se dote le film pour nous faire croire qu’il n’est pas la même soupe insipide que Marvel essaye de nous faire avaler plusieurs fois par an, le tout avec la même absence affolante d’enjeux. De plus, le spectre de John Hughes (réalisateur de Breakfast Club et Ferris Bueller’s Day Off, cité explicitement dans le film) hante Homecoming, tant on sent la volonté de présenter les années lycée de Peter Parker tel un Teen-Movie. Mais cela ne suffit pas à lui donner plus de saveur, car l’une des erreurs magistrales de ce dernier est d’enlever tout ce qui fait le charme du genre et de ce qu’on pourrait imaginer être les premiers mois de la carrière du tisseur. Ainsi, au revoir la recherche d’un équilibre entre les deux vies de Peter Parker, au revoir la difficulté de cacher son identité, au revoir le questionnement sur les responsabilités impliquées par les pouvoirs de Peter, au revoir le sens de la débrouille de Parker. Tout n’est que prétexte à un humour pataud, une dérision permanente désamorçant toute situation dramatique, et une écriture fainéante au possible. Non seulement tout sonne faux, mais tous les dialogues servent soit à annoncer des situations à venir, soit à rappeler que le film se passe au sein d’un univers partagé. Rien n’est spontané; les clins d’oeil en surabondance aux autres films renforcent cette impression de monde fonctionnant en vase clos dans lequel le spectateur n’a finalement pas sa place. Il n’y a pas de prise sur le réel, la grande force du Teen-movie étant de parler aux (et des) adolescents, de leurs problèmes concrets. Rien de tout ça n’est présent dans Spider-Man: Homecoming, prouvant que l’aspect Teen-Movie est davantage une posture qu’un ressort cinématographique exploité en tant que tel. Enfin, la présence envahissante du personnage de Tony Stark est prétexte à une relation mentor-élève sans grande utilité, si ce n’est d’ajouter le nom de Robert Downey Jr. à l’affiche. Pourtant, peut-être Jon Watts avait-il en tête un tout autre film, ce qui ne serait pas à exclure vu que la bardée de scénaristes crédités peut laisser penser que le travail de Script-doctoring fut plutôt costaud.

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Quant à la mise en scène, elle respecte la tendance générale des films Marvel: le réalisateur est un mercenaire censé appliquer froidement les décisions du studio. Totalement inexistant, le travail de réalisation de Jon Watts a l’avantage de ne pas être aussi immonde que celle des frères Russo (réalisateurs de Civil War), ce qui ne veut pas en dire pour autant qu’il s’en sort avec les honneurs. Encore une fois, Spider-Man: Homecoming a tout du produit usiné « made in Marvel ». Ajoutez à cela des acteurs mal dirigés, mention spéciale au jeu ridicule Marisa Tomei, qui ne vient pas donner du capital sympathie à une tante May désastreuse, semblant être le fantasme de tout le quartier et uniquement prétexte à quelques blagues salaces. Tom Holland, quant à lui, pourrait être un vraiment bon Spider-Man adolescent, mais encore une fois, l’écriture faiblarde ne permet pas de compenser la non-direction d’acteur de Watts. Comme avec Webb, on ne ressent pas de passion, pas d’envie de bien faire, juste la froide volonté d’une machine bien huilée prête à offir à ses fans ce qu’ils veulent, plutôt que de proposer un film de cinéma. Si le film se caractérise par une quasi-absence de mauvais goût, le climax n’y échappe pas et est symptomatique de l’incapacité qu’ont les faiseurs de chez Marvel d’insuffler un tant soit peu d’épique dans leurs productions. Preuve en est avec le grossier clin d’oeil à Sam Raimi (quand Spider-Man tente de maintenir les deux parties du ferry ensemble) qui n’a rien de la violence et de la puissance de la fameuse scène du métro de Spider-Man 2 et qui, en plus de ça, n’a aucun pay-off, là où ce dépassement du héros était prétexte chez Raimi, a une scène d’une beauté et d’un optimisme émouvants. La partition de Michael Giaccino n’aide pas à combler ce manque d’envergure. L’on retiendra surtout la reprise du thème de la série animée des années 60, lors du défilement des logos en début de film. Ce qui montre bien que même s’il a pu livrer des compositions sympathiques (Star Trek notamment), il ne réussira jamais à se hisser au niveau de son maître John Williams. Il est presque condamné, comme l’a aussi montré les BO de Doctor Strange et de Rogue One, à repomper ses propres compositions, et parfois celles des autres. Sans être aussi insupportable que le travail de, au hasard, Hans Zimmer sur The Amazing Spider-Man 2, il n’en est pas moins profondément quelconque et fainéant.

Galerie de personnages allant de l’oubliable au ridicule, écriture racoleuse et lourdeaude et mise en scène inexistante: Spider-Man: Homecoming est un mauvais film qui a seulement pour lui le fait de ne pas faire pire que le dyptique de Marc Webb, ce qui n’est pas un exploit. Qualitativement très loin de ce que pouvait proposer le genre il y a de ça quinze ans, Homecoming est en plus parasité par le modèle de l’univers partagé qui montre une fois de plus toutes ses limites. S’il pouvait être une bonne idée sur le papier, il prouve que le réalisateur doit être confronté au choix d’être la marionnette du studio, ou de partir. Entreprise uniformisatrice foncièrement mercantile et porte-étendard du non-cinéma, Spider-Man: Homecoming aurait pu être un bien meilleur film dans un monde où réalisateurs et producteurs vivent en harmonie et où l’un permet la réussite de l’autre. Comme Ant-Man devait être un film de braquage, comme Captain America: The Winter Soldier était censé être un film d’espionnage tels qu’on les faisait dans les années 70, Spider-Man: Homecoming n’arrivera pas à faire croire qu’il est un Teen-Movie. Il n’est qu’un produit fast-food, consommé et directement oublié.

Clément Manguette

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