Guillaume Vierset s’éloigne des collectifs. En solo, il livre une musique plus intimiste. Voix et guitare deviennent ses meilleures compagnes sur scène. Première interview pour IAMWILL, une bouffée d’air frais dans le paysage musical.
Au sein du groupe Edges, tu exprimais un ras le bol de la société. Aujourd’hui, sens-tu une forme d’apaisement ? Vas-tu chercher d’autres émotions ?
Alors, le second album d’Edges sortira au printemps prochain. Il sera pire que le premier. Donc, je n’accepte pas encore les choses. IAMWILL est une réaction au fait de devoir tourner en Wallonie, à Bruxelles. D’abord, j’exprime l’amour de cette musique, le folk. Je mélange un peu toutes mes influences. Que ce soit folk, pop indé, que ce soit jazz, parce que ça improvise aussi. Puis, l’autre face de cette réaction est de jouer en solo. Pour un artiste en Fédération Wallonie-Bruxelles, être programmé, c’est de plus en plus dur. L’étau se resserre. Proposer quelque chose en solo, c’est beaucoup plus facile à défendre.
Voici les 2 penchants de ce projet.
A certains concerts, une idée martèle mon crâne. Plusieurs groupes sonnent comme les Beatles. Comme si mon cerveau était piégé dans leurs notes et influences. Toi, t’assumes tes influences : Elliott Smith et Nick Drake. Souhaites-tu te distinguer de ces artistes, proposer quelque chose de singulier ? Ou alors, embrasses-tu cet héritage ?
J’ai embrassé cet héritage et j’ai essayé de le comprendre comme moi je le comprenais. Le but est de le ressortir avec d’autres choses. J’ai une connaissance de l’harmonie assez approfondie de la musique jazz et plus populaire. Je suis instrumentiste avant tout, je suis improvisateur avant tout, et donc, tout ça fait que j’essaie de proposer une musique liée à cet héritage, mais d’une manière différente.
Mais il y a des actions qui sont inévitables. Par exemple, tu citais les Beatles. Récemment, je réécoutais l’album blanc, le White. C’est quand même inévitable de jouer comme les Anglais. Cet album est majestueux en tout point de vue. Par conséquent, c’est difficile de ne pas le compter dans ses propres influences. Je pense que tout le monde, d’une manière ou d’une autre, vit les effets des Beatles.
Par rapport à Nick Drake et Elliott Smith, ben oui, ce sont des songwriters qui font souvent des concerts en solo, instaurant une ambiance assez troublante, nostalgique. C’est sûr que ça reflète considérablement la musique. Ce sont mes premières influences. Néanmoins, j’essayerai de proposer quelque chose d’un peu plus ouvert, d’un peu moins dark. J’essaye en tout cas. Et puis, il y a aussi toutes les techniques actuelles. Ici, c’est la première fois où je vais utiliser quelques séquences (ndr : juste après l’interview, l’artiste jouait au café Le Parc, à Liège). J’utilise aussi des percussions. C’est assez nouveau. Là, j’essaye de réussir un son plus auto-satisfaisant, en solo.
Une fois sur scène, tu adores ce goût du risque. Finalement, Guillaume Vierset, plus il vieillit, plus il recherche cette envie et sensation.
J’ai besoin de me mettre en danger pour me sentir vivre. Je ne pourrai pas me reposer sur mes lauriers. Quand c’est le cas, c’est cool, je n’ai plus aucun stress et du coup, je fais autre chose. Je continue le projet, mais je vais plus loin. Moi, j’ai besoin de me sentir vivre, de me sentir vivant. Il y a des gens qui ont besoin de sauter en parachute. Moi, j’ai besoin de sauter dans le vide avec de nouveaux projets, des productions strictement jamais réalisées. Voilà, ici, je me retrouve seul avec un micro devant moi. C’est quelque chose que je n’ai plus fait depuis l’âge de 17 ans. J’avais complètement oublié quelques actes. Donc, j’ai dû réapprendre certains réflexes.
Malgré tout, ces techniques demeurent plus ou moins dans le sang. C’est un saut dans le vide, avec tout ce que ça implique : le son, les paroles, la gestion de l’instrument. Mais c’est hyper excitant. En fait, j’adore ça. Je n’ai pas dormi cette nuit. Ça n’a rien avoir avec le stress. Je suis super excité de jouer à Liège.
Tu te lances de nouveaux défis. On se concentre sur une toute autre réflexion.
Complètement. Le message, c’est : Venez, entrez dans ma bulle. Voilà ce que j’ai à proposer, de petites histoires. Et si on est toujours dans cette bulle, ça va bien se passer.
Quant aux paroles de tes chansons, tu aimerais qu’elles soient moins sombres. Peut-on carrément qualifier tes mots d’optimistes ?
Alors, autant être clair, j’écris 15% des paroles. L’autre pourcentage provient de David Bartholomé (ndr : chanteur/bassiste de Sharko). Il m’aide beaucoup. Ce sont des paroles assez poétiques, oniriques, à prendre un peu comme on veut. Je les interprète d’une certaine manière, lui les écrit en les interprétant à sa façon. Il ne m’a pas dit comment les interpréter. Au bout du compte, je les comprends à ma sauce. Oui, parfois c’est dark, parfois pas. Il y a quand même de l’espoir dans tout ça, sinon, autant abandonner.
La plume de David Bartholomé, parlons-en. Qu’aimes-tu le plus dans son écriture ?
Ce n’est pas sa plume que j’aime, mais c’est le personnage dans son entièreté. C’est une personne extrêmement intelligente, cultivée, avec qui j’adore parler. Il a souvent un avis bien tranché. C’est quelqu’un qui va dire les choses, sans prendre de pincettes. Il m’a considérablement fait avancer, à bien des égards.
Concernant ses textes, ce que j’aime, c’est qu’il arrive à faire rimer les paroles à ma manière. Je lui transmets des lalala, des ohoho, etc. Ensuite, quand j’écoute ses paroles, je reconnais presque les onomatopées envoyées. Puis, il a cette intelligence de comprendre exactement la couleur de cette musique.
Sans compter l’ironie.
Oui, bien sûr. Il y a beaucoup d’ironie, mais de nouveau, chacun y trouvera sa signification. Il y a plusieurs angles choisis pour les paroles. Mais oui, il y a beaucoup d’ironie. Forcément. On parle quand même de David Bartholomé. (grand sourire)
Qu’aimerais-tu que le public retienne de tes concerts ?
J’ai envie qu’on retienne une intégrité à 100%, quelque chose de terriblement sincère. Je suis tout seul en scène, donc si je me trompe, tout le monde va l’entendre. Et j’aime bien jouer avec ça. J’aime bien jouer avec les silences. C’est quelque chose qu’on ne fait plus du tout maintenant. Désormais, la musique est extrêmement chargée. Il y a des éléments dans tous les sens. On ne distingue plus qui joue quoi. Ici, je suis à poil avec ma guitare.
J’aimerais qu’on se souvienne de concerts authentiques. Même si voilà, comme je l’ai dit, j’utilise aussi des éléments plus modernes. Comme pour quelques morceaux, j’ai des petites séquences qui sont lancées, enregistrées par moi-même avec mes instruments. Il n’y a rien d’électronique. C’est ultra sincère, intimiste. Et la musique intimiste, c’est quelque chose qui s’oublie un petit peu.
Alors, c’est sûr, je ne ne vais pas jouer à 22h30 aux Francofolies ou à Werchter. Ça n’arrivera certainement jamais. Mais en tout cas, je désire proposer une musique qui est beaucoup plus proche du public. Puisqu’en Wallonie-Bruxelles, à nouveau, c’est de plus en plus dur. C’est un peu comme dans la vraie vie, il y a les riches et les pauvres, les choix politiques, la gauche et la droite. Actuellement, il n’y a plus de milieu. Pareil pour le milieu musical. En tout cas, je parle bien de la Wallonie-Bruxelles. Je pense qu’en Flandre, c’est différent. Soit, on est un artiste qui ramène 10 000 personnes, et alors, on joue en festival. Soit, on n’est rien du tout. Il n’y a plus de milieu, où être artiste entre les 2 est possible. J’estime que je ne suis rien du tout et que ma place, pour le moment, est de jouer dans des petits endroits de proximité. Mon rôle n’est pas de jouer dans de grands festivals. Ce n’est pas le but. Que les gens retiennent cette démarche, retrouver l’essence même des choses, même au niveau des festivals. Récupérons la culture à taille humaine, ainsi que la culture à frais humain. La culture, ça ne doit pas être cher. C’est de l’enseignement. Ça doit être gratuit, même s’il faut rémunérer les artistes. Tout le monde devrait pouvoir en profiter.
Interview menée par brunoaleas