Notre pays fut bercée par l’immigration. En Belgique, quelques artistes participent au folklore oriental. Leurs compositions caressent nos oreilles, loin des mélodies dominant les radios. Exit la trap parisienne, drill ou autre hérésie. Tamino et Wyatt. E attirent l’attention. Comment ? Pourquoi ? Découvrons leur musique.
Tamino
Tamino est envoûtant. Via sa voix, son regard ou son jeu gracieux à la guitare, le musicien illustre son héritage en musique. Tamino-Amir Moharam, d’origine égyptienne, obtient les faveurs du public à la sortie de Indigo Night. Le succès est immédiat grâce à une performance vocale jouant sur plusieurs octaves. L’apport créatif du bassiste de Radiohead, Colin Greenwood, participe aussi à la magie du tube.
Pour son retour, Tamino ne mise pas sur un single des plus radiophonique. Au contraire, The First Disciple et ses six minutes nous transporte vers un territoire mystique. Dès les premières notes, le voyage est intense. Comme s’il était impossible à l’artiste de se détacher de ses racines. On ne sait vers où il se dirige dans son clip si enivrant. Mais une pensée du navigateur français Titouan Lamazou résume cette posture : c’est l’errance qui nous oriente. Après deux années où le contact social fut prohibé, Tamino se joint aux autres, en pleine communion. Puis, on comprend que sa chanson remet en question une figure idolâtrée.
They would pay any price to kiss your skin. Don’t tell me that is loving.
You know that don’t mean nothing.
Sahar, futur second opus, aura-t-il pour thème principal la fascination ? Une initiative qui serait fascinante, à une époque où la starification devient de plus en plus malsaine. A suivre.
Wyatt E.
Wyatt E. réussit l’exploit d’invoquer les Dieux mésopotamiens. A leur écoute, quelle est la première divinité qui vient à l’esprit ? Ishtar, déesse étroitement associée à l’amour et la guerre. Comme si le trio incarnait douceur et brutalité sonores. Le disque āl bēlūti dārû invite bel et bien à planer.
L’album est sans équivoque un voyage. Il s’agit là d’une suite solide de Exile to Beyn Neharot. Marche militaire. Saz. Saxophone. A travers la recherche instrumentale du groupe, les références propres au monde oriental sont toujours aussi puissantes.
D’ailleurs, il s’y se cache un désir intime. A savoir, une volonté plutôt assumée de réaliser une introspection.
On a longtemps cherché l’identité du groupe. Avant de devenir Wyatt E., nous avons tourné en rond quelques années. Notre musique était clairement drone. Le changement s’est opéré à l’époque où nous avons rencontré notre premier batteur. C’est avec lui, en esquissant les bases musicales de ce qu’est devenu Wyatt E., que j’ai pensé que le groupe pouvait ne faire qu’un avec un projet personnel qui me trottait dans la tête depuis longtemps déjà.
J’ai des ancêtres juifs ashkénazes d’Europe de l’Est dont l’origine est assez claire, mais également des juifs mizrahis de Syrie, et là l’origine est plus laborieuse à trouver.
Cette poursuite d’identité a été fondatrice dans l’élaboration de l’univers où le groupe allait évoluer. Stéphane Rondia m’accompagne dans cette quête. -Sébastien von Landau, guitariste et claviériste de Wyatt E.
Le fond de l’histoire est le déracinement, ajoute le musicien. Lorsque Nabuchodonosor II, roi de l’Empire néo-babylonien capture les élites juives de Jérusalem, il les envoie ensuite à Babylone. Wyatt E. s’approprie ce fait historique. Le déracinement tient alors une place centrale dans l’imaginaire de āl bēlūti dārû.
Découvrir Babylone à travers les yeux des ancêtres ouvrait un champs des possibles incroyable.
DRAMA – Photo ©Antonino Caruana