Dororo est un manga du légendaire Osamu Tezuka. Nous avons droit à une réédition sortie le 3 février 2021 chez l’éditeur Delcourt/Tonkam. Originellement parue dans les années 60, cette œuvre n’est pourtant pas la plus connue de celui qui est considéré comme ‘le dieu du manga’. Un anime du nom de Dororo to Hyakkimaru est diffusé en 1969. Mais l’initiative la plus connue de cette œuvre reste la réadaptation en anime de 2018. Produite par Mappa, celle-ci nous livre une animation plus moderne. Le manga original est le sujet principal de cette critique.
Ère Sengoku, au Japon, une époque notamment touchée par les guerres et la famine. Le seigneur Daigo attend son premier fils : Hyakkimaru. À sa naissance, il décide de troquer 48 membres de son rejeton à des démons contre la prospérité de ses terres. Hyakkimaru est donc abandonné à son sort dans une barque avec pour destination une mort certaine. Un médecin le trouvera, l’élèvera et lui fabriquera des membres artificiels. Dans l’anime de 2018, il est privé de ses 5 sens. Dès son 16ème anniversaire, il part en quête de vengeance. Il veut récupérer son corps, et ce, coûte que coûte. Sur son chemin, il fait la rencontre de Dororo. Cet enfant voyou occupera une place importante dans le périple de Hyakkimaru.
Le tout rassemble une palette singulière de thèmes abordés : guerres de clans, combats de samurais, famine, démons et bras articulés (non, pas ceux de Fullmetal Alchemist). Le message incarné dans Dororo est sans doute l’un des plus complexes que j’ai pu lire jusqu’à présent. Incomparable, on ne prend pas conscience au début du récit, de toute l’hésitation que l’on ressent. Hyakkimaru apparaît à première vue comme le type de personnage fréquent, assoiffé de vengeance et de justice, mais dans ce cas-ci, c’est plus recherché. Si Hyakkimaru retrouve son corps, les terres de Daigo ne seront plus protégées et des innocents mourront. À l’opposé, si Hyakkimaru ne retrouve pas sa liberté, les terres de son père continueront de prospérer. Ainsi, s’impose un vrai débat psychologique, bloqué entre le pour et le contre de sa vengeance. Le dilemme est le suivant : que choisir entre la vie de milliers d’innocents et la liberté d’un seul homme ?! (ça me rappelle un autre manga (¬‿¬)). Hyakkimaru quant à lui déclare simplement qu’il veut récupérer son corps parce que c’est à lui, preuve d’un certain égoïsme. Encore aujourd’hui, je n’arrive pas à savoir si la conclusion de l’histoire est bonne ou mauvaise !
Quant aux dessins, on les aime ou on ne les aime pas. Pour les non-habitués au style Tezuka, le choc est terrible. On constate que les dessins sont étonnants et inhabituels : des character design très arrondis, s’appuyant sur des yeux et des nez courbés, des cheveux imaginaires, on s’approche presque de l’esthétisme des Super Nanas (je me lance dans une boutade, bien sûr). Les décors demeurent également abrégés. Mention spéciale pour les trames harmonieuses que j’ai adorées. On y fait beaucoup plus attention étant donné que les traits généraux sont sobres.
La réédition du manga a un certain charme, un format plus corpulent et fourni, une jaquette aux couleurs pastelles, une couverture épaisse et même un petit marque-page en tissu. La fin compte bon nombre d’illustrations de l’époque de parution dans le Weekly Shonen Sunday (à savoir 1967). Sans oublier la superbe préface, signée Patrick Honnoré, traducteur de la langue japonaise. On ne peut que remercier Tonkam pour toute la beauté de l’ouvrage.
Dororo fait partie de ses histoires qui ont endurci mon petit cœur de guimauve. Ce récit comprend des similitudes scénaristique avec L’Attaque des Titans ou Devilman. L’auteur ne joue non pas avec nos sentiments, mais avec notre conscience. A se demander et redemander si la fin est moralement correcte ou non. Le protagoniste, ou plutôt l’anti-héros, a-t-il fait le bon choix ? Ce style de scénario a tendance à diviser les fans. Il provoque des avis personnels composés d’arguments remarquables et bien construits.
J’ai surtout préféré les querelles de famille dans Dororo. Hyakkimaru, son frère, Dororo et ses parents brigands forment des relations importantes et touchantes dans l’évolution de l’histoire.
N’hésitez pas à découvrir l’anime réalisé par Mappa (qui vit sa meilleure vie avec SNK et Jujutsu Kaisen). Il comporte quelques défauts d’animation mais rien de bien méchant. N’ayez surtout pas peur du manga et de ses dessins à part ! C’est une ambiance désuète qui s’offre à vous !
La liberté est un concept emmêlé, délicat. Quand certains y voient le luxe, d’autres y voient le simple fait de pouvoir marcher de ses propres jambes.
La révolte extérieure est la seule manière de réaliser la liberté intérieure. – Jim Morrison
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Illustration ©Delcourt/Tonkam