Se souvenir de Pouchkine

Pouchkine, c’est ce genre de fille parfumée d’éthanol.

Mon regard se posait sur elle à un concert de l’armée russe. La puissance des chœurs nous enfermait dans une bulle hors du temps. Un seul réflexe me traversait l’esprit. Il fallait la suivre dans les rues enneigées du kremlin.

Le ciel était de plus en plus triste. A une terrasse, elle demandait l’addition et j’observais au loin ses mains bleues fuchsia. Ses doigts témoignaient d’un dur labeur, révélateurs d’un passé ancré dans l’artisanat et l’artistique. Car oui, j’avais déjà vu son visage au théâtre. Je connaissais déjà ce sourire atypique. Elle n’avait rien d’une femme éteinte.

J’étais le pire épicurien. Cependant, seul le réel compte. Mes quelques mots auraient défini mon destin. Pouchkine m’attirait beaucoup trop. Je ne pouvais rester inactif. Il y avait du vent, je n’avais qu’à vivre. Au lieu d’attendre une poussée d’adrénaline, une voix intérieure me criait : Demain, c’est déjà maintenant. Dès lors, je prenais mon courage à deux mains et rejoignais la table de l’érudite.

Capture d’écran (152)

Ses yeux étaient rivés sur un bouquin de Dostoïevski. Petite vilaine, elle me payait un verre. J’étais là, comme un grand con à l’écouter parler de tout et de rien. Je me perdais dans le fond de ses yeux. L’ambiance semblait si onirique. Le vin ne faisait plus d’effet. Chaque mot de Pouchkine rimait avec déconne.

On quittait le Delta Bar pour se diriger vers la gare du Nord. Je la raccompagnais sous les lampadaires. Sa main empoignait la mienne. Elle me conduisait à son appartement pour un dernier café. Elle me faisait écouter son jeu à la guitare, docile et relaxant. Elle passait également le dernier disque d’un groupe français. Un son ultra-moderne fissurait les murs. Plutôt excellent. De l’electro grasse mêlée à la douce langue de Molière.

On n’avait plus qu’à danser. La vodka dictait nos pas. Une fumée cannabis décorait la pièce.

Elle m’embrassait au cou et me susurrait : Suis-je ta reine d’amour ?

C’était la dernière fois que je la voyais.

Pouchkine, c’est surtout un souvenir inoubliable… se souvenir du présent.

Drama – Photos ©Romain Winkler & Alix Caillet

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