Pouchkine, c’est ce genre de fille qui sent l’éthanol.
Mon regard s’était posé sur elle à un concert de l’armée russe, où la puissance de leurs chœurs nous avaient enfermé dans une bulle hors du temps. Le seul réflexe qui me traversait l’esprit, était de la suivre dans les rues enneigées du kremlin.
Le ciel était de plus en plus triste. A une terrasse, elle demandait l’addition et j’observais au loin ses mains bleues fuchsia. Ses doigts témoignaient d’un dur labeur, révélateurs d’un passé passant d’artisan à artiste. Car oui, j’avais déjà vu son visage au théâtre. Je connaissais déjà ce sourire si atypique.
Au lieu d’attendre une poussée d’adrénaline, une voix intérieure me criait : Demain, c’est déjà maintenant. Dès lors, je prenais mon courage à deux mains, et je rejoignais la belle rousse à sa table.
J’étais le pire épicurien. Cependant, seul le réel compte. Mes quelques mots auraient défini mon destin. Pouchkine m’attirait beaucoup trop, je ne pouvais rester inactif. Il y avait du vent, je n’avais qu’à vivre.
Ses yeux étaient rivés sur un bouquin de Dostoïevski. Petite vilaine, elle me payait un verre. J’étais comme un grand con à l’écouter parler de tout et de rien. Tout semblait si onirique. Le vin ne faisait plus d’effet. Par contre, chaque mot de Pouchkine rimait avec déconne.
On laissait le Delta Bar pour se diriger vers la gare du Nord. Je la raccompagnais sous les lampadaires quand sa main empoignait la mienne. Elle me conduisait à son appartement pour un dernier café. Elle me faisait écouter son jeu à la guitare, docile et relaxant. Elle passait également le dernier disque d’un groupe français qui excelle en terme de musique. Un son ultra-moderne envahissait la pièce. De l’électro grasse mêlée à la douceur de la langue de Molière.
On n’avait plus qu’à danser. La vodka dictait nos pas. Une fumée cannabis servait de décors.
Elle m’embrassait au cou et me susurrait : Suis-je ta reine d’amour ?
C’était la dernière fois que je la voyais.
Pouchkine, c’est surtout un souvenir inoubliable.
DRAMA