It It Anita Interview

DELIVRANCE SONORE

Le son saturé, rock et noise d’It It Anita sonne aux portes de JCCLM ! Sous vos yeux se lit un entretien allègre avec un groupe belge. Au menu : leur opus AGAAIIN, John Agnello, la scène musicale, Nirvana et le gingembre !

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Les images de vos pochettes d’album représentaient toujours des corps.
Pourquoi avoir privilégier des arbres sur celui-ci ?

Damien : l’arbre de toute façon est un corps aussi. On a collaboré avec un ami photographe pour les 2 premières pochettes. Pour le premier album, c’est lui qui nous avait proposé des images puis on a choisi et pour la deuxième on a eu l’idée ensemble. Pour le troisième disque, il n’avait plus le temps car il voyageait. Du coup, j’ai cherché dans mes archives photos. Cette photo là date d’avril dernier. C’est une photo qui avait une histoire en lien avec le groupe parce que ça faisait partie d’une de nos tournées. Cette photo détenait un chouette truc. Comme je suis graphiste, j’aime bien tout ce qui se passe au travers des images ou même des mots. On peut aussi apercevoir 3 roues sur la remorque qui font référence à ce troisième album, et si tu regardes l’arrière de la pochette du deuxième album, il y a une remorque à deux roues.

Tout est calculé.

Damien : C’est ça. Il y a tout le temps des codes cachés dans les images. A l’arrière du vinyle, il y a une photo du bar, près de New York, dans lequel on allait tous les soirs après les enregistrements. Elle aussi fait partie de l’histoire du groupe et dans le cadrage de l’image, on retrouve trois tabourets toujours en rapport au troisième disque.

Mike : Si tu écoutes le disque à l’envers… Ca parle de Satan !

(rire)

Damien : Si tu passes le disque à l’envers, c’est Tool qui chante une chanson sur Satan.

Bryan : 33, 33, 666…

Damien : 33 fois 666 ça fait…

Mike : Et quand tu l’écoutes à l’endroit, ça fait 999.

Avez-vous enregistré à Brooklyn ?

Bryan : Hey, on n’est pas des pouilleux hein.

(rire)

Damien : On était à côté de New York, à Hoboken, dans le New Jersey. C’est à 20 minutes de New York, si tu voyages en train.

Mike : C’est une île.

Damien : On était dans un studio qui s’appelle Water Music. C’est un studio qui a vu passer Beyoncé, Pavement, Noir Désir.

Pouvez-vous m’expliquer le morceau « Ginger » ?

Mike : Pendant tout une époque, notre warm-up de concert mangeait du gingembre. C’est en croisant Jérémy du groupe liégeois The Experimental Tropic Blues Band, qu’on a demandé à son groupe, d’où venait leur énergie sur scène. Ils mangeaient du gingembre. Du coup, pour la boutade, on a commencé à en manger aussi. Puis on a commencé à en consommer en grande quantité. A la fin, on en parlait tellement que c’était devenu assez obsessionnel pour moi.

Damien : La chanson ne parle pas que de « gingembre ». Ca traite du fait de se dépasser via des substances pour essayer d’être toujours le meilleur. En plus de cela, avant d’enregistrer toutes nos démos, elles avaient toutes un nom de légume qui est une racine à la base. Il y avait une ancienne démo qui se nommait « betterave », « beet » en anglais. Ce titre est resté pour le dernier morceau, « New Beet ».
C’est pareil pour « Parnsip ».

A part le gingembre, y a-t-il autre chose qui vous pousse à vous surpasser ?

Damien : Les pets de Bryan me poussent à me dépasser.

(rire)

Cymophan : Et donc le gingembre vous aidait vraiment ?

Mike : Oui, c’est un truc cool à prendre.

Damien : Ca booste quoi.

Bryan : Ca donne une envie incroyable de baiser.

Damien : C’est aphrodisiaque. 

Mike : Ca m’est déjà arrivé aussi de cracher un morceau de gingembre parce que c’était trop fort.

Bryan : Ah oui…

Mike : C’est quand même un truc fou qui m’est arrivé.

(rire)

Damien : « Ginger » signifie « roux » également, tout comme l’est notre ingénieur du son.

Je pensais que c’était une chanson pour les roux.

Damien : Mais c’est pour tout. C’est universel.

Avez-vous l’impression d’être une tout autre personne lorsque vous faites de la musique ?

Damien : Moi je me sens Bryan, une fois sur scène.

Bryan : Et moi je me sens un peu comme Damien.

Mike : La scène est un des derniers espaces de liberté qu’il nous reste.

Bryan : Putain quoi… Ca c’est classe mon gars.

Damien : C’est beau ce que tu dis.

Mike : Tu fais ce que tu veux sur scène et en règle générale, on n’est pas vraiment des gens extravertis. Que du contraire, on est ennuyeux. On est plutôt des vieux cons.

(rire) Ouais, c’est pas très vendeur tout ça.

Mike : C’est une interview vérité !

(rire)

Bryan : Mike a bien résumé les choses. J’y évacue l’énergie que j’ai en trop, de la nervosité, la tension de la semaine. Je ne me sens pas quelqu’un d’autre. La scène fait partie de moi et elle me permet vraiment de faire des choses autrement.

Damien : Dans la vie, on est des gens calmes et posés qui font des blagues à la con, mais sur scène, il y a une énergie en plus qui nous vient.

Quelle est votre plus grosse peur sur scène ?

Mike : Les problèmes techniques parce qu’on bouge beaucoup sur scène. Pour le reste, je n’ai pas de réelle peur, c’est le plaisir qui prime. Aujourd’hui, on joue à Liège, alors que ça fait des années qu’on n’y a plus fait de concert. On est hyper content.

Damien : Notre dernier concert à Liège, c’était à l’été 2015.

Bryan, n’as-tu pas peur de péter ta batterie ?

Bryan : Non, à part pour la caisse claire ou des peaux. Le vrai problème que j’ai déjà eu, c’est d’avoir la chiasse sur scène. J’ai déjà eu le cas sur scène et je l’avais quittée, en plein concert, pendant dix minutes. Heureusement, le guitariste a su meubler en prenant ma place à la batterie.

Cela me rappelle ton anecdote sur The Dillinguer Escape Plan, lorsqu’on avait fait l’interview avec The Hype. Qu’est-ce qui est le plus important dans vos compositions, mis-à-part avoir un bon son ?

Damien : Le son.

(rire)

Mike : Je pense que le plus important, c’est que tout le monde y puisse y retrouver son compte. Il n’y a rien de pire que de jouer des choses que tu aimes à moitié ou que l’on t’impose. L’essence d’un bon morceau, c’est que tout le monde en soit content de le jouer. Sans pour autant être fier, mais juste y prendre du plaisir. Et si les gens qui nous écoutent aiment ce que l’on propose, c’est la petite cerise sur la gâteau.

Êtes-vous d’accord avec Mike ?

Damien : Ah mais ouais, nous, on est de toutes façons toujours d’accord avec Mike.

Mike : C’est comme ça.

(rire)

Damien : On prend notre pied. Il y a des morceaux qu’on ne joue plus car ils n’ont plus de rapport avec ce qu’on joue maintenant. Notre setlist se compose vraiment de morceaux qu’on a envie de jouer. Il y a même eu une période où on faisait des reprises, comme Pavement, vu qu’on voulait les jouer à ce moment là.

Mike : C’est un peu égoïste mais c’est comme ça aussi.

Bryan : Je suis tout à fait d’accord avec ce qui vient d’être dit.

Quel était le meilleur endroit où vous avez joué ensemble ?

Mike : Bonne question !

Damien : Dernièrement, il y a eu un chouette souvenir dans un festival en Espagne. Il y avait beaucoup de monde et de gens réceptifs. C’était cool de noter qu’on avait fait 2000 kilomètres pour se retrouver en face de plus gens qu’ici, à 50 kilomètres de chez nous.

Mike : C’était des gens curieux.

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Est-ce que c’était un grand festival ?

Damien : Ca s’appelait la Monkey Week et c’est un peu l’équivalent d’un festival de 4 à 5 jours, qui se déroule sur plusieurs endroits, tout comme le Sioux Festival ou encore le Autumn Fall.

Bryan : Le premier jour, on a joué sur une piste d’auto-tamponneuse. C’était vraiment génial.

Mike : C’était très agréable.

Bryan : C’était très festif. Les auto-tamponneuses ne fonctionnaient pas, je tiens à le préciser.

Avez-vous rencontré des groupes sympathiques là-bas ?

Damien : On a rencontré un groupe mexicain qui nous a invité au Mexique. On va essayer d’y aller l’année prochaine.

J’ai vu que vous faisiez un truc avec Cocaine Piss aussi.

Mike : On joue avec eux bientôt. Ce sont des potes avec qui on a déjà joué.

Si j’en parle, c’est aussi parce qu’ils avaient fait un album avec Steve Albini. Ca ne vous intéresserait pas de faire un album avec lui ?

Damien : On a fait un album avec John Agnello, qui est l’équivalent de Steve Albini mais en moins connu et en plus gentil. Steve Albini a un côté un peu froid dans sa production.

L’avez-vous déjà rencontré ?

Damien : Non, pas vraiment.

Mike : Oui ou non ?

Damien : Non…

(rire)

Bryan : Je pense l’avoir vu. Pas vraiment. Mais suivant la règle des 3, si tu connais ce gars là…

Mike : On l’connait quoi.

Bryan : On l’connait.

(rire)

Damien : C’est ça. On connait des gars qui le connaissent. Il a cette réputation d’être assez froid dans sa façon de faire. Alors que John Agnello, c’est le tonton qui va venir vers toi, qui fait des « hug » à l’américaine et qui met directement à l’aise en studio. C’est le deuxième disque que l’on fait avec lui. Pour le premier, il était venu en Belgique, à Sprimont, début 2015. Pour le deuxième album par contre, c’est nous qui, au début de 2016, nous sommes aller le trouver au Water Music. C’est un gars qui a bossé avec Sonic Youth, Kurt Vile, Cindy Loper…

Comment avez-vous fait pour le contacter ?

Damien : Via un contact commun et Internet. On lui a fait écouter des trucs, puis on lui a proposé de collaborer. Il était d’accord. On avait demandé les prix qu’il nous faisait et ça rentrait dans notre budget.

Je vais m’intéresser à ce qu’il a fait.

Damien : C’est vraiment le son nineties que l’on recherche. C’est la musique avec laquelle on a grandi donc forcément, c’est une musique qui nous parle.

Votre style me fait vraiment pensé à Sonic Youth. Rien qu’à penser aux sons saturés dans morceau « 25 (From Floor To Ceiling) ».

Mike : On aime ce genre de son.

Damien : C’est aussi pour cela qu’on voulait collaborer avec lui, vu ses antécédents et sa magie à reproduire des atmosphères nineties. Il produit encore maintenant de supers groupes comme Cymbals Eat Guitars, Kurt Vile ou même Dinosaur Jr, dont il était derrière chaque album, sans parler des projets de Jay Mascis sur le côté.

Est-ce qu’une tournée américaine est possible ?

Damien : On espère ! Ce n’est pas prévu pour le moment.

Mike : C’est compliqué au niveau…

Du budget ?

Mike : Non c’est plus le Visa de travail qui rend la tâche difficile.

Demande à Trump.

Mike : Je vais l’appeler de ce pas. En tout cas, ce serait super d’aller jouer là-bas, même s’il y a trop d’appelés et peu d’élus.

Damien : Ils ont beaucoup de groupes, originaires des USA, qui valent tellement la peine d’être reconnus, qu’ils ne s’emmerdent pas à faire fonctionner des groupes étrangers. C’est pareil pour l’Angleterre. Lorsqu’on a été jouer à Londres, ou même à Glascow, ce sont des villes avec 200 concerts tous les soirs. T’as beau débarqué, tant que tu n’as pas payer de promotion ou quelqu’un pour faire ta publicité en radio, sur des blogs ou autres, peu de gens viendront à tes concerts.

Mike : A Londres ça allait encore.

Damien : C’est vrai qu’il y avait un peu de monde à Londres. Au sinon, tu n’es personne pour ce genre de public. Ces personnes ont d’autres habitudes et se tournent vers autre chose qu’une musique étrangère.

Pensez-vous qu’à votre époque, il y aurait eu beaucoup plus de gens curieux à vos concerts ?

Mike : Je pense que l’offre est beaucoup plus intéressante maintenant. Le développement d’Internet a donné naissance à plein de sorties d’albums venant de groupes de qualité. On n’a jamais eu accès à autant de musique que maintenant. Alors que dans les années 90, on écoutait ce qui sortait.

Damien : On se tenait au courant via les mass media. On savait ce qui existait car on lisait les journaux.

Mike : Je pense que c’était beaucoup plus dur de faire de la musique à cette époque.

Damien : Avec tout ce qui apparaît désormais sur le paysage musical, il faut jouer des coudes pour te faire une place.

Qui sont les plus grands héritiers de Nirvana ?

Damien : J’ai eu une sensation de retrouver la patte de ce groupe, en écoutant le deuxième album de Cloud Nothing, produit par Steve Albini. J’y avais retrouvé une espèce d’incandescence adolescente, de fougue et de rage dans leur musique et dans leur manière de composer.

Mike : Je pense qu’il n’y a plus d’artistes aussi fédérateurs qu’eux et qu’il n’y en aura plus. De par la simplicité et les avantages de leurs chansons, ils sont uniques.

Bryan : Je pense pareil. En ce qui concerne la façon de jouer de Dave Grohl, elle m’a motivé à faire le batterie.

Qu’entendez-vous par « simplicité » ?

Bryan : Ils allaient droit au but, sans faire de fioritures.

Mike : Ils ont des morceaux qui se composent de 3 ou 4 accords, mais ces mêmes accords sont sublimes et bien choisis. Je ne sais pas si c’est dû au hasard mais les détracteurs de Kurt Cobain ont torts, selon moi, il sait super bien jouer et chanter.

Bryan : Lorsque tu es batteur, tu sais facilement reproduire le jeu efficace de Grohl. Il n’est pas dans l’optique de faire du jazz ou du post-rock compliqué, c’est un bourrin qui va à l’essentiel tout en suivant les rythmiques de Kurt à la gratte. Ca m’a fort enthousiasmé et inspiré dans mon jeu.

Tes paroles me font penser à la chanson « Scentless Apprentice ». Grohl délivre une prestation monstrueuse. Son jeu se combine parfaitement avec la guitare de Kurt.

Bryan : En tout cas, ça m’a aidé d’écouter ce type de musique.

Tu es un grand fan aussi.

Mike : Ca a libéré beaucoup de gens.

Bryan : Oui, c’est toujours le cas pour moi.

Mike : Il n’y a pas besoin d’être Steve Vai pour accéder à de hauts niveaux. Personnellement, je n’y connais rien en guitare et en techniques, je ne serai jamais un « guitar hero », et tant mieux, et dès que tu vois un personnage comme Kurt Cobain, t’as envie de te lancer dans des projets.

C’est vraiment un chouette groupe pour apprendre à jouer d’un instrument.

Mike : Oui.

Mine de rien ça parait simple, ne serait-ce que les répétitions de « power chords »…

Mike : C’est forcément naïf, oui.

Mais, mon frère me disait qu’une certaine complexité s’y cache derrière parfois.

Mike : Oui. Quand tu écoutes la ligne de basse de Krist Novoselic, c’est loin d’être bateau, c’est plutôt hyper mélodieux. Puis ce groupe est un trio, ce que je trouve vraiment noble.

Bryan : T’es viré Damien.

(rire)

Mike : No mais j’insiste là-dessus parce qu’ils avaient ce côté d’être juste 3 sans manquer de rien. C’est top.

Damien : Ils étaient simples mais pas simplistes.

Bryan : Et efficaces.

Mike : Je trouve ça important qu’il n’y ait pas que du bruit et qu’on retrouve toujours une belle mélodie.

Définirais-tu le son de Sonic Youth comme étant du « bruit » ?

Mike : Ils ont fait tellement de choses. C’est du « bruit » que peu de gens pourraient imiter. Ils ont plein de morceaux mélodieux tout de même, avec souvent des accordages un peu bizarres mais avec des refrains chantables.

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Interview menée par Drama – Interview réalisée le 21/01/2017

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