Julien Doré – aimée

Comment se porte la chanson française ? Laissons de côté les victimes à la guitare sèche de l’Empire Vianney. Julien Doré, lui, est bien plus intéressant. Son univers le prouve et l’a déjà prouvé maintes fois.

Le chanteur revient avec un cinquième disque dédié à sa grand-mère et sa femme, ayant toutes deux le prénom Aimée. L’album illustre également un bilan universel. L’écologie et les sociétés de ces dernières années sont passées au scanner. L’artiste est las de décrire les sentiments amoureux via une plume abstraite. Aux Inrocks, il exprime sa volonté d’apporter sa vision du monde en toute simplicité, sans pour autant jouer les donneurs de leçons. Comme s’il était temps de taper du poing sur la table.

À 38 ans, j’avais besoin de transmettre ma vision du monde, d’assumer ma sensibilité, mon optimisme et mon pessimisme, de ne pas les cacher pour offrir juste un divertissement. Julien Doré

Pourtant, son ton humoristique et quelques péripéties mielleuses ne manquent pas à l’appel. Alors, son écriture est-elle si différente qu’avant ? Lorsqu’il décrit des sujets plus sérieux (« Lampedusa », « Barracuda I », « L’île au lendemain »), il réussit à ne pas être pathétique. Malheureusement, « Nous » résonne comme un mauvais générique Dorothée et les rappeurs belges de « Bla-bla-bla » cassent la musicalité du projet. « Waf » et « Kiki » ne sont pas non plus mémorables…

Certains morceaux sont tout de même incroyables ! Julien Doré démontre qu’il synthétise de grandes idées à travers de petites phrases. Sa poésie devient des photos instantanées de notre époque.

Tout ça n’sert à rien
On a coulé l’île au lendemain -« L’île au lendemain »

Tout l’monde a quelque chose à dire
Sur mes cheveux ou le climat
Bien que les deux aillent vers le pire
Personne ne se battra pour ça -« Barracuda I »

Et tout ce qui me blesse c’est la présence des absents
Ceux dont la faiblesse est de dormir à présent -« Ami »

Sur ce radeau bancal où les murènes s’écrasent
Où le vent devient fou de ces flots cannibales
Il y a nous -« Lampedusa »

Quant aux instrumentations, quelques-uns de ses titres sonnent au rythme caribéen, bercés par une guitare propre et funky. L’ajout de chants enfantins rend aimée encore plus séduisant. L’opus mêle la voix du trentenaire face aux jeunes générations. Ces parties vocales se fondent à l’atout majeur du compositeur : la délicatesse. D’ailleurs, « Barracuda II » demeure mon moment préféré de l’écoute. Julien Doré vise juste en offrant une version plus émouvante et dépouillée de « Barracuda I ». Ses notes de piano nous emportent vers des ruines imaginaires, où l’espoir a encore sa place.

DRAMA

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